La nouvelle s’est répandue dans les médias comme une traînée de poudre à travers l’Europe. Les prestations proposées par Uber relèveraient désormais officiellement du domaine des transports et non des services de la société de l’information comme le clamait la multinationale et ça, ça change tout ! Les conclusions exposées par l’avocat général à la CJUE, Cour de justice de l’Union européenne, la soumettent en effet aux réglementations nationales des États membres en matière de transport public particulier de personnes.
Viva España !
Saisi en 2014 par une association professionnelle de chauffeurs de taxi de Barcelone – Elite Taxi – qui dénonçaient la concurrence déloyale exercée par Uber à leur encontre, le juge du tribunal de commerce espagnol, considérant que la solution du litige nécessitait l’interprétation de plusieurs dispositions du droit de l’Union, a usé de la procédure de « renvoi préjudiciel » qui permet aux juridictions des États membres d’interroger la CJUE. Par la suite, « des observations écrites ont été déposées par les parties au principal, les gouvernements espagnol, finlandais, français et grec, l’Irlande, les gouvernements néerlandais et polonais, ainsi que par la Commission européenne et l’Autorité de surveillance de l’Association européenne de libre-échange (AELE). Les mêmes intéressés, à l’exception du gouvernement grec, ainsi que le gouvernement estonien, ont été représentés à l’audience qui s’est tenue le 29 novembre 2016 », rappelle l’avocat général de la CJUE, Maciej Szpunar, dans ses conclusions.

Fondant ses conclusions sur l’analyse des relations entre Uber et ses chauffeurs, le magistrat européen rejoint les renvendications des « Ubérisés ».
Pris à son propre piège
Tout en reconnaissant le caractère innovant de l’application, les conclusions de l’avocat général, exposées jeudi 11 mai devant la CJUE, ont renvoyé la célèbre multinationale dans ses buts. Cataloguant son activité en « service de transport » et non en « service d’information », Maciej Szpunar exclut de considérer l’application comme un simple intermédiaire entre chauffeurs et passagers. Il souligne qu’Uber « contrôle les facteurs économiquement importants du service de transport urbain offert dans le cadre de cette plateforme » et détermine « dans les faits, le prix du service ». Tandis qu’Uber prétend uniquement lier l’offre de transport urbain à la demande, le magistrat repousse toute comparaison avec les plates-formes permettant de réserver un hôtel ou d’acheter des billets d’avion : « Je pense […] que c’est une vision réductrice de son rôle. En fait, Uber fait beaucoup plus que lier l’offre à la demande : il a lui-même créé cette offre. Il en réglemente également les caractéristiques essentielles et en organise le fonctionnement. »
Du domaine des États
La CJUE rendra son arrêt consultatif dans plusieurs mois et même s’il est généralement suivi, l’avis exposé par l’avocat général n’est pas contraignant. Quant aux taxis barcelonais, ils devront encore attendre le jugement du tribunal de commerce de Barcelone pour avoir confirmation qu’Uber doit « avoir les même licences que les taxis ». Contestant les arguments du magistrat, la multinationale invoque le droit néerlandais auquel est soumis la maison mère de sa filiale espagnole. Reste que les conclusions de l’avocat général de la CJUE constituent une étape importante pour la structuration du transport public particulier de personnes et la définition du covoiturage. Rappelant que les règles européennes dans le domaine des transports laissent les États membres de l’Union « libres de réglementer », elles confirment le travail législatif réalisé en France et risquent de peser dans les nombreuses procédures actuellement en cours.
HM
Plus d’infos :
CJUE – Communiqué de presse n°50/17
CJUE – Affaire C‑434/15 – M. Szpunar VF (script intégral)
[…] *Voir 100% NEWS-TAXIS n° 106, « Uber démasqué par la CJUE » […]