Autorisations de stationnement de A à Z – Quel mode d’emploi pour délivrer les licences ? – Maître J. Serrano-Bentchich, avocate à la cour

Avant de réglementer ou de délivrer les autorisations de stationnement (ADS), l’administration – maire ou préfet – s’appuie sur un certain nombre de critères tels que les besoins de la population, les conditions générales de la circulation sans oublier l’aspect économique. Ces paramètres ont été posés et précisés par la jurisprudence du Conseil d’État mais la problématique reste d’actualité. Analysant le cas de l’aéroport de Lille-Lesquin et la récente jurisprudence qui en découle, Maître Jessica Serrano-Bentchich, avocate à la cour, spécialiste en droit public, fait le point sur les modalités de délivrance des ADS.

Maître Jessica Serrano-Bentchich,
avocate à la cour spécialiste en droit public. ©jsbavocat

Quelle grille d’analyse utilise l’administration pour réglementer ou délivrer une licence ?
Lorsque le préfet ou le maire délivre une autorisation de stationnement, il doit prendre en compte les besoins de la population, les conditions générales de la circulation publique et les équilibres économiques des taxis, selon la jurisprudence du Conseil d’État de 2001 (1) appelée Jurisprudence du Syndicat de défense des conducteurs du taxi parisien – SDCTP. Cette jurisprudence fixe le mode d’emploi de la délivrance des ADS et, en cas de recours, elle impose à l’administration le contrôle des tribunaux. Le cas de figure de l’aéroport Lille-Lesquin est une récente illustration de son application. En 2018, le préfet du Nord a déterminé les taxis qui pouvaient stationner en attente de clientèle à l’aéroport de Lille-Lesquin en sélectionnant des communes limitrophes ou proches de l’aéroport. Les taxis dont les communes n’étaient pas énumérées dans l’arrêté préfectoral ne pouvaient pas stationner en attente de clientèle à l’aéroport. Un syndicat de taxis a décidé de saisir le juge pour contester l’arrêté préfectoral et le périmètre géographique acté par le préfet du Nord. Débouté de ses demandes devant le tribunal, le syndicat a porté son dossier en appel. Le 26 avril 2022, la cour administrative de Douai, après avoir appliqué le mode d’emploi cité plus haut (2), a rejeté la requête du syndicat. Elle a considéré que le périmètre du préfet était cohérent, « plus fonctionnel et géographique que le périmètre précédent qui réservait à tous les taxis rattachés à l’une des quatre-vingt-dix communes de la MEL [Métropole Européenne de Lille] le droit de stationner sans réservation préalable au sein de l’aéroport ».
Quels ont été les arguments retenus par la justice ?
S’agissant des besoins de la population, dans le cas de l’aéroport de Lille-Lesquin, le juge dit plusieurs choses. Un constat d’huissier avait prouvé que les usagers de l’aéroport se dirigent principalement vers Lille et ses communes limitrophes. Il a considéré qu’autoriser des taxis éloignés de l’aéroport risquerait de vider les communes de rattachement de leurs taxis et que la requête était contraire au service de proximité qui doit être rendu à la population communale. Enfin, les taxis hors du périmètre préfectoral peuvent venir à l’aéroport sur réservation préalable. S’agissant des conditions générales de la circulation publique, il a été considéré que la configuration des infrastructures de l’aéroport ne permettait pas de faire stationner simultanément plus d’une vingtaine de taxis. Pour terminer, s’agissant des équilibres économiques de la profession d’exploitant de taxis, il a été considéré qu’autoriser l’ensemble des taxis de la métropole de Lille à stationner à l’aéroport en attente d’une clientèle sans réservation préalable aurait risqué d’entraîner une dépréciation de la valeur vénale des licences des taxis lillois. Pour le juge, l’arrêté du préfet ne méconnaît ni le principe d’égalité entre les taxis, ni la liberté du commerce et de l’industrie.
Propos recueillis par HM

Plus d’infos :
(1) CE, 27 juin 2007, Syndicat de défense des conducteurs du taxi parisien n° 292855, Lebon
(2) CAA Douai, 26 avril 2022, STAN, n° 21DA00596, inédit au recueil Lebon
(3) Articles D.3120-35 et D.3120-35 du code des transports


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