Après trois ans de silence, les taxis de France ont interpellé à nouveau les pouvoirs publics sur les risques de dévoiement de leur réglementation et revendiquent une concurrence loyale pour assurer une mobilité durable. Qu’en est-il ailleurs en Europe ? Est-ce une exception française ? Déclaré en 2017 « service de transport » par la CJUE, Cour de justice de l’Union européenne, Uber tente à nouveau d’échapper à ses devoirs, au grand dam des taxis qu’ils soient allemands, belges ou polonais …
« Unsere Taxis + unsere Jobs = deine Mobilität »
« Nos taxis + nos emplois = ta mobilité ! » Le 10 avril dernier, dans plus de 18 villes d’Allemagne, des milliers de chauffeurs de taxi ont mené des opérations escargot contre les mesures de libéralisation du secteur du transport commercial de voyageurs projetées par ministre fédéral des Transports. « C’est la plus grande manif de taxis de l’histoire allemande ! » se réjouit le BZP, l’une des principales associations de chauffeurs. Face à la contestation, les autorités allemandes ont laissé entendre qu’elles pourraient laisser aux villes le choix d’imposer ou non le retour au garage auquel sont contraints les conducteurs de VTC en attente de clientèle… Tout simplement inadmissible pour les taxis allemands qui envisagent de se mobiliser le 6 juin prochain à Berlin devant le Bundesrat, l’équivalent de notre Sénat. Idem en Pologne où les taxis manifestaient le 8 avril dernier, dénonçant l’amendement surnommé « lex Uber » de la future loi nationale sur le transport routier qui permettra aux applications numériques de transporter des passagers sans permis de taxi.

En Italie, Uber a été obligé de collaborer avec les chauffeurs de limousines.
Diviser pour régner
Face à la persistance des infractions aux réglementations en vigueur, taxis et organisations professionnelles ont initié des procédures judicaires dans différents pays. Le 18 décembre dernier, le tribunal de commerce de Bruxelles (aile néerlandophone) a ainsi estimé le service de transports rémunérés Uber illégal en cas de non-détention d’une licence de taxi. Un jugement qui satisfait en partie la FeBet, Fédération belge des taxis, sans pour autant clore le débat : une autre action est en effet nécessaire devant le tribunal du commerce de Bruxelles, mais cette fois côté francophone ! En Espagne, les taxis de Barcelone – l’association Elite Taxi en tête – vont déposer une plainte collective de plus de 2 000 chauffeurs contre Uber et Cabify pour escroquerie, fraude, infraction fiscale, non-respect des droits des travailleurs et blanchiment d’argent ! Pourtant, si la Catalogne, le Pays basque, l’Aragon, les îles Baléares et Valence tentent de cadrer le développement des plates-formes numériques, Madrid renâcle encore…
Le pouvoir de l’argent
En avril dernier, juste avant son entrée en Bourse, Uber annonçait clairement la couleur : « Notre activité est soumise à de nombreux risques de régulation tant juridique que réglementaire qui pourraient avoir un impact négatif sur nos activités. […] Nous contestons activement certaines de ces lois et réglementations et faisons pression sur d’autres juridictions pour qu’elles s’opposent à des restrictions similaires sur nos activités, en particulier nos services de transport de personnes. » Lorsqu’ils jettent en l’air des « Uberdollars » – faux billets à l’effigie de l’ambassadrice américaine à Varsovie –, les taxis polonais dénoncent le chantage subi par leurs autorités publiques, menacées selon certains du gel des investissements américains. Aux États-Unis, Uber a déclaré avoir investi 2,3 millions de dollars auprès de responsables politiques au niveau national comme local. Et en Europe ? Mystère…
HM