Dès ma destination annoncée, je me replonge dans mon smartphone et la course débute dans le silence. Mon chauffeur amorce un « Bonne année, Madame ! Pour votre famille et puis surtout, la santé ! » Sa gentillesse ne parvient pas à alléger mon humeur. « La santé ? La belle aubaine ! Ce ne sera pas pour profiter de ma retraite, vu comme ils la repoussent… » Son sourire s’affiche dans le rétroviseur : « Ne le prenez comme ça, profitez de votre vie d’aujourd’hui. » À la vue des cheveux gris qui dépassent de l’appui-tête, je rétorque « Et vous, vous la voyez comment votre retraite ? » « Je finirai ma vie avec ce que j’ai construit. La Première ministre promet un revenu autour de 85 % du Smic mais c’est de la théorie. J’ai fait de longues études dans un secteur où je n’ai jamais trouvé de travail. Ensuite, j’ai bricolé, pas toujours déclaré. Il faut bien faire vivre sa famille. Aujourd’hui je suis taxi. Faut pas croire que parce que j’ai une belle voiture, ce n’est pas un métier pénible. Il faut toujours être sur la brèche, disponible et rester commerçant. Commencer son sandwich à midi pour le terminer en soirée, assumer des horaires décalés, le stress de la circulation, celui des clients et ce a minima 11 h par jour 7 jours sur 7, 365 jours par an dans une position qui vous flingue le dos avec des crampes dans les jambes. »
Sans parler des accidents de la route ni de l’impact de la pollution, les risques professionnels des chauffeurs de taxi sont désormais identifiés. « Les dorsalgies, cervicalgies, cruralgies, sciatiques par hernie discale et les douleurs articulaires aux épaules, genoux et chevilles, l’engourdissement des jambes, sont liées à la station assise prolongée, aux vibrations produites par le véhicule tout au long de la durée de conduite. La posture statique et les mauvais réglages du siège ou du positionnement des commandes, du volant ou des pédales, l’insuffisance de suspension du siège ou du véhicule lui-même, l’état du revêtement routier, les ralentisseurs, sont néfastes principalement pour le rachis. Il faut y ajouter les efforts de manipulation des charges, par exemple, le soulèvement des bagages, l’aide aux personnes âgées ou handicapées… » explique le site Officiel Prévention.
Je lui demande alors s’il allait manifester mercredi prochain. « Non, pas cette fois. Vu le bazar que cela risque d’être, les clients auront besoin de moi. »
Une bonne leçon qui vaut bien un pourboire !
Hélène Manceron
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