Si les décisions sanitaires face à la nouvelle vague de la pandémie n’ont pas entravé la reprise des mobilités dont bénéficie le secteur depuis septembre dernier, de nombreux sujets impactent les taxis. Alors que leurs organisations professionnelles montent au créneau pour contrer le dévoiement de la réglementation taxi et la concurrence illégale, les expérimentations prévues par l’Assurance maladie dans quelques départements suscitent l’inquiétude. Tandis que la Commission européenne vient de se prononcer sur la présomption de salariat pour les travailleurs des plateformes numériques, qu’un nouveau scandale financier éclabousse Uber et ses chauffeurs, les taxis bruxellois refusent d’être sacrifiés après un nouveau chantage social de la plateforme.

Sur tous les fronts
Disposition législative permettant à l’Assurance maladie d’expérimenter de nouvelles organisations afin de d’optimiser son fonctionnement et son budget, l’article 51 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 suscite de nombreuses inquiétudes pour 2022. En effet, l’article en lui-même ne représente que la disposition réglementaire autorisant l’institution sociale à sortir de son cadre habituel pour tester toute nouvelle idée, mais le projet de substituer des VSL aux taxis conventionnés, porté par des sociétés mixtes ambulances/taxis, inquiète les entreprises de taxis qui craignent de se voir à terme marginalisées. Autre sujet de tension, l’utilisation hors réglementation des véhicules relais par des indélicats afin de doubler leur capacité de prise en charge. De nombreux chauffeurs dénoncent ces pratiques et les caisses primaires d’assurance maladie risquent de multiplier les contrôles afin d’épingler les contrevenants.
Boers en force
Alors que, sous l’impulsion des taxis et de leurs organisations professionnelles, les médias multiplient les reportages afin d’alerter l’opinion public des dangers des transporteurs clandestins qui sévissent dans les centres urbains, les Boers et les forces de police redoublent d’efforts afin d’endiguer le fléau des arnaques au transport. « Le phénomène a commencé à prendre de l’ampleur il y a cinq ou six ans », témoignent-ils. Qu’à cela ne tienne ! Témoignant d’une belle solidarité, les transporteurs clandestins utilisent les messageries instantanées afin de déjouer les contrôles… Reste que fin novembre dernier, quatre personnes ont été interpellées, soupçonnées d’avoir dévalisé 14 victimes transportées dans leur VTC, après leur avoir offert de l’alcool au GHB !
Cotisations « éludées »
« Près de 90 % des VTC sous-déclarent leur chiffre d’affaires », a déclaré le Haut Conseil du financement de la protection sociale qui a diffusé, le 23 novembre dernier, une note apportant de nouveaux chiffrages sur la fraude aux cotisations. Comparant le chiffre d’affaires déclaré par les chauffeurs ubérisés à celui transmis aux institutions fiscales par leurs plateformes, le constat confirme que le « travail au noir » atteint des proportions spectaculaires grâce aux plateformes du numérique. La pratique serait quasi généralisée tout en portant sur des sommes relativement limitées. Et ce n’est pas Uber qui leur jettera la pierre car à l’heure où toutes les entreprises préparent le bilan de fin d’année, la multinationale pourra cette fois encore user du montage d’optimisation fiscale qui lui permet de déclarer aux Pays-Bas le chiffre d’affaires généré en France.
Présomption de salariat
La Commission européenne a annoncé ce jeudi 9 décembre ses directives pour réguler le statut des travailleurs des plateformes numériques. Se prononçant pour une présomption de salariat, elle inverse la charge de la preuve pour les salariés des plateformes et liste 5 critères afin de déterminer si le travailleur doit être considéré ou non comme salarié. Parmi ceux-ci, le lien de subordination avec la plateforme, l’impossibilité de fixer librement ses tarifs ou encore l’impossibilité de se constituer une clientèle personnelle. L’Union européenne estime le nombre de travailleurs des plateformes à 28 millions de personnes aujourd’hui et 43 millions d’ici 2025 ! Les chauffeurs Uber, Bolt… et jusqu’aux livreurs Deliveroo pourraient ainsi bénéficier d’une protection sociale, d’un salaire minimum, de congés payés et d’un temps de travail garanti dans de nombreux pays de l’UE.
Ordonnance « sparadrap »
« C’est scandaleux. Après avoir obtenu gain de cause au bout de 4 ans de saga judiciaire, le parlement bypasse la justice. On transforme des travailleurs illégaux en travailleurs légaux en leur donnant des licences de taxi sans contrepartie », a déclaré Sam Bouchal, porte-parole de la Fédération bruxelloise des taxis BTF. Si les taxis de Bruxelles sont en colère, c’est qu’après plusieurs années de procédure pour faire reconnaître par la justice les pratiques illégales d’Uber et de ses chauffeurs, le gouvernement bruxellois a cédé au chantage social orchestré par la multinationale. Malgré la mobilisation des taxis et 600 postes de chauffeur en CDI disponibles, le gouvernement bruxellois entend mettre en place une situation temporaire, bâillonnant la décision de justice par un texte « sparadrap ». Le front commun des taxis bruxellois a réaffirmé sa détermination à ne pas se laisser faire et à demander judiciairement des dommages et intérêts.
HM