Face à l’impatience de la population, les forces de l’ordre ont reçu instruction de renforcer les contrôles. Tandis que le nombre des victimes de la pandémie s’égrène au journal télévisé, rythmant une interminable détention, les fêtes clandestines, les manifestations pour réclamer des autorisations de rassemblement ainsi que la levée des fermetures administrative se multiplient, défiant des mesures sanitaires. Les actes d’incivisme, réels ou supposés, font la part belle à l’État que la crise ne semble pas dérouter de ses caps politiques.
Déçus après chaque bulletin d’information du Premier ministre, les commerces et services de proximité demandent à lever leur rideau, désireux certes d’exercer leur activité mais aussi leur savoir-faire : celui de prendre soin de leurs clients, de valoriser l’équipement de leur commerce et leur capacité d’organisation. En réponse aux astuces des grandes surfaces pour que les consommateurs repartent avec, dans leurs caddies, des produits interdits à la vente dans leurs rayons, certaines librairies s’improvisent marchands de quatre-saisons ! À Barcelone, ce sont les grandes surfaces qui ont dû fermer afin de privilégier l’accès aux magasins de proximité.
Dans l’Hexagone, les petites entreprises sont obligées de se digitaliser à marche forcée. Munies de la photographie de leurs articles, elles sont invitées à rejoindre des plateformes de vente ou de livraison. Face aux attroupements générés par le succès du modèle, les livraisons sont déjà interdites à Paris de 22 h à 6 h du matin… En Bourse, les mastodontes numériques bénéficient d’un engouement aussi passionnel que pour celui des labos en course pour la création d’un vaccin contre le virus. Face à ce nouveau monopole, certains restaurateurs et commerçants se marginalisent ou préfèrent fermer, résignés à se satisfaire des seules aides, refusant de prostituer leur activité.
Éclairant le soir de longues files de lumineux verts en stations, les taxis de gares, d’aéroports ou de centres-villes attendent la reprise des mobilités en scrutant les rues. Au détour d’une d’entre elles – dans un lieu que nous conserverons secret pour la protéger –, la fresque d’un jeune garçon en pleurs, accroupi, harnaché d’une glacière UberEats, a été réalisée par l’artiste de street art Eric Ze King (EZK). Un slogan l’accompagne : « Uberté, Égalité, Fatalité… »
Hélène Manceron
Photo de couverture réalisée par ©DoYouSpeakTaxi