Président de l’association Elite Taxi France, Gérôme Lassalle est artisan taxi dans l’Orne. Mobilisé auprès de ses clients comme de ses collègues, il réaffirme les objectifs de défense des intérêts communs de la profession revendiqués par l’association créée en 2016. Interviewé sur la situation actuelle, il dénonce l’instrumentalisation de la crise sanitaire et partage ses critiques et ses aspirations.

Gérôme Lassalle
©EricPothier
Comment vivez-vous cette crise ?
Pour les taxis, le travail a chuté de près de 90 %. Tous les chauffeurs n’ont pas pu faire le choix du confinement et beaucoup commencent à avoir des difficultés à le maintenir. À la maison, ma femme reste confinée et c’est moi qui sors, la boule au ventre, juste pour couvrir mes charges. J’ai arrêté la rue et reste seulement au service de ma clientèle car je considère cela comme mon devoir. Je suis devenu super paranoïaque de peur d’être un vecteur de contamination. Je respecte les gestes barrières et j’ai bricolé un sas étanche dans mon véhicule avec du film de fleuriste mais je vais essayer de l’améliorer. Malgré l’urgence, il faut s’équiper de façon intelligente et durable car nous ne sommes pas à l’abri d’une nouvelle reprise de l’épidémie. Je sais que pendant le confinement, de nombreux collègues tournent en rond mais je pense également aux chauffeurs décédés, je pense à l’un de nos adhérents dans le coma. Nous adressons notre soutien aux familles.
Quelle solidarité a pu se mettre en place ?
Concernant le transport des soignants annoncé par le président de la République, les taxis volontaires se sont positionnés auprès des établissements et les centraux radio taxis ont pu faire valoir leur expertise. En complément, il y a pas mal de charges aux stations des centres hospitaliers parisiens. La réquisition n’était qu’un effet d’annonce pour justifier l’ouverture d’une ligne de crédit au montant anecdotique vis-à-vis de l’engagement financier nécessaire pour éviter le marasme des économies. Concrètement, pour organiser le portage de repas, de nombreux taxis ont sollicité des dérogations auprès de la DREAL mais, hors colis médicaux, ne l’ont pas obtenu. Alors la solidarité est obligée de s’organiser sous le manteau ! Pendant ce temps, le gouvernement maintient son soutien aux plateformes, ce n’est guère une surprise car la même équipe participait déjà à la commission Attali. Ils les ont installées et il n’y a pas de trêve malgré la crise. En attendant, nous manifestons notre soutien aux soignants ainsi qu’à tous ceux qui sont en première ligne.
Quelles perspectives et objectifs pour l’après ?
L’après-confinement reste encore incertain mais je suis prêt à y prendre ma part. Nous voulons pouvoir travailler sereinement. La concurrence ne nous gêne pas mais le conflit perpétuel avec les racoleurs est intolérable. Sur le terrain, en agglomération, c’est tous les jours que nous avons des altercations. Cette menace quotidienne est révoltante ! En face, l’État nous explique que c’est toujours la faute des autres… Nous voulons bien être exemplaires mais il faut que la règle s’applique à tous et arrêter de nous manipuler ! Elite Taxi France a pour objectif de participer à la représentativité de la profession. Nous attendons de pouvoir y postuler en faisant falloir administrativement notre légitimité. La profession doit être représentée hors des intérêts économiques des fournisseurs du secteur afin d’éviter les dérives mercantiles et le clientélisme. Et, quand les situations sont réellement favorables à tous, il faut également que chacun soit reconnu pour sa collaboration à l’intérêt général sans que personne ne tire la couverture à soi.
Propos recueillis par HM
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