Alors que la ministre des Transports souhaiterait que la prochaine LOM, loi d’orientation sur les mobilités, soit « un antidote aux fractures sociales et territoriales qui minent notre pays », la première lecture du projet de loi vient de s’achever au Sénat. Après avoir examiné 821 amendements, les sénateurs en ont adopté 232 et exprimeront leur vote solennel le 2 avril. Pour autant, de nombreux lobbyistes attendent leur revanche lors de l’examen du texte par les députés prévu en mai. Tandis que les organisations professionnelles taxi résistent afin de ne pas laisser détricoter la nouvelle réglementation, le modèle VTC confirme sa déroute. Au Québec, les autorités prévoyant de déréglementer le secteur ont, malgré la promesse de dédommager les taxis, jeté la profession dans le chaos.
Dans les mains des AOM
Open data, mobilité en zone rurale, ouverture des voies réservées étaient les sujets qui interpellaient directement l’activité taxi. Aujourd’hui, les responsabilités ont été remises entre les mains des AOM, autorités organisatrices de la mobilité, charge à elles de mettre en place des dispositions permettant de développer l’offre de transport dans leurs territoires. Idem pour l’open data des données de transports où, en ce qui concerne les taxis, chaque AOM aura « la faculté de décider si l’ouverture des données de mobilité des véhicules taxis doit être obligatoire, en fonction des besoins du territoire relevant de sa compétence ». L’horizon des voies réservées semble quant à lui s’être obscurci : le projet de loi prévoit désormais d’autoriser de façon permanente la réservation de voies de circulation sur les autoroutes, les routes express et l’utilisation des bandes d’arrêt d’urgence pour faciliter la circulation de certaines catégories de véhicules ou d’usagers…
VTC blues
Les plates-formes VTCistes pensaient pouvoir éviter leurs responsabilités en proposant une « charte sociale » à leurs collaborateurs, mais les sénateurs ne se sont pas laissé duper. En supprimant l’article, ils laissent au juge la liberté de pouvoir qualifier, en fonction des faits, les liens de subordination entre les indépendants et les intermédiaires numériques. Pendant que le ministère des Transports réfléchit encore sur la manière de lutter contre leur accidentologie, les faits divers se multiplient : verbalisation pour fausse carte professionnelle à Antibes, VTC condamné pour proxénétisme par le tribunal correctionnel de Versailles, couple de touristes – mexicains, cette fois – escroqués de 189 € par un conducteur illégal pour un Roissy-Orly… Le défaut d’assurance de nombreux véhicules VTC est désormais de notoriété publique et c’est au motif d’incapacité de renouveler sa police d’assurance que la société VPCab s’est déclarée en cessation de paiement. Loueur de voitures selon un contrat longue durée avec option d’achat spécialisé pour les VTC, la société – implantée en Île-de-France mais aussi à Lyon, Bordeaux et Antibes – a brutalement cessé son activité et rappelé l’ensemble des véhicules désormais interdits de circulation. Comme son homologue Voitures Noires en son heure, elle a mis la clef sous la porte, laissant sur le trottoir environ 600 chauffeurs sans véhicule et endettés !
Tragédie québécoise
Face à l’obsolescence de leur réglementation du transport individualisé de personnes, taxis et pouvoirs publics montent le ton à Istanbul comme à Amsterdam contre l’envahissement de la voie publique par les véhicules Uber et consorts. Cela n’a pas empêché les pouvoirs publics du Québec de faire le choix de la déréglementation du secteur. Mobilisés contre le projet d’abolition des licences malgré un dédommagement annoncé par les autorités, les chauffeurs de presque toutes les régions du Québec se sont mis en grève lundi 25 mars pour exhorter leur gouvernement à rejeter ce projet de loi. Lors de son interview en direct à la télévision, un chauffeur désespéré a même tenté d’attenter à ses jours. Bouleversées par ce geste, les organisations professionnelles des taxis québécois ont suspendu temporairement leur mobilisation… Quand va-t-on finir par comprendre ?
HM