Alors que les organisations syndicales manifestent en ordre dispersé pour appeler à la convergence des luttes, la valorisation des acquis sociaux et le respect des conditions de travail restent un sujet qui divise… Est-ce étonnant que les valeurs du droit du travail aient un sens différent que l’on soit salarié du privé, fonctionnaire, micro-entrepreneur ou retraité ayant connu le plein emploi ? Sous la bannière de « Je suis mon propre patron », de nombreux travailleurs – aujourd’hui plus d’un million en France – sont désormais disponibles H 24. Auto-entrepreneurs, micro-entrepreneurs… quelle que soit leur dénomination, tous sont chefs d’une entreprise dont ils sont l’unique employé à la flexibilité garantie, comme en témoignent à travers le monde chauffeurs de VTC et livreurs à vélo. Karl Marx lui-même n’y retrouverait pas ses petits ! Si l’innovation numérique se masque derrière un discours de partage pour informatiser le maquerellage des indépendants, les salariés de l’économie 3.0 subissent quant à eux un retour violent au XIXe siècle et sa révolution industrielle. Au Royaume-Uni, une enquête publiée cette année par le journaliste James Bloodworth révèle les conditions de travail d’employés chez Amazon. Chronométrés, talonnés par une hiérarchie numérique et la peur du licenciement, trois quarts des interviewés par le journaliste avouent éviter les toilettes de l’entreprise afin de pas voir impacté leur « temps d’activité », certains prévoyant même désormais une bouteille vide en cas d’urgence … Vive la mondialisation, vive la Fête du travail et merci pour le muguet !
Hélène Manceron
Références :
“Hired: Six Months Undercover in Low-Wage Britain”, James Bloodworth,
Editions Atlantic Books
Hélène Manceron