À Bruxelles comme partout où elle s’est implantée, la stratégie agressive d’Uber a mis le feu à la voie publique. Depuis son arrivée il y a quelques années, la multinationale a multiplié les collaborations avec des chauffeurs aux pratiques illégales afin de submerger la concurrence. Un scénario classique qui a déjà incité la majorité des États membres de la Communauté européenne à réagir, mais pas les autorités bruxelloises…

Venus de toute l’Europe, les taxis ont paralysé Bruxelles.
Choix de société
« Bruxelles n’est pas un laboratoire », martèle Gérôme Lassalle, porte-parole de l’association Elite taxi France. Avec un confrère espagnol, ils vont rejoindre leurs collègues bruxellois pour former un cortège de taxis venus d’Angleterre, d’Espagne, d’Italie, du Portugal, ainsi que de plusieurs régions de France. « Nous subissons tous la même agression. Le combat du voisin est notre combat », explique-t-il. « La fragmentation de notre société qu’imposent les plates-formes numériques de service est exceptionnelle. La Cour de justice européenne a mis les États membres devant leur responsabilité mais ce sont les plates-formes qui font la loi. C’est un problème de choix de société », précise Fernando Casanova, taxi espagnol, représentant de l’association Elite taxi Espagne. Le 27 mars dernier, plusieurs centaines de chauffeurs de taxi se sont mobilisés « pour protester contre l’ubérisation du transport rémunéré de personnes et réclamer la démission du ministre bruxellois de la Mobilité Pascal Smet », déclare dans son communiqué le Groupement professionnel taxi.
Copie à revoir
Les organisations syndicales ont témoigné de l’instrumentalisation politique dont leur profession – et la mobilité locale – sont victimes, tout en regrettant auprès de leurs concitoyens d’être réduites à entraver la circulation : « C’est la seule arme qui nous reste lorsqu’il n’y a ni dialogue, ni respect, ni écoute. Une chose est sûre, si nous continuons dans cette voie, nous retournerons dans la rue puisque c’est le seul endroit pour nous faire entendre », a déclaré Sam Bouchal, représentant de la fédération de taxis FebeT. Quant au ministre de la Mobilité, Pascal Smet, responsable de la débâcle et qui déclarait encore il y a quelques semaines « en matière de mobilité, je suis vu comme un modèle à l’étranger », il semble avoir disparu du paysage. À la demande des manifestants, le ministre-président de la Région de Bruxelles-Capitale, Rudi Vervoort, l’a invité à revoir sérieusement sa copie.

« Le plan Smet devra être revu car rien n’a été réglé »
Blague belge
« Le plan Smet devra être revu car rien n’a été réglé », soulignait Gérôme Lassalle à l’issue de la manifestation. À l’expérience des autres capitales européennes, la passivité du gouvernement risque de coûter cher au T3P bruxellois. De son côté, Rudi Vervoort a souligné la nécessité d’une prise de conscience : « Quand je vois ces gamins à vélo avec leurs paquets UberEats ou Deliveroo sur le dos, je me dis qu’on rentre dans une forme d’esclavage […] On ne peut pas être de gauche et défendre Uber, comme les autres plates-formes. » Enfin, si la Cour de justice de l’Union européenne a confirmé aux États membres que les services de transport urbain non collectif sont indissociablement liés à leur dispositif de mise en relation, elle les a également renvoyés devant leur responsabilité à réglementer. Alors qu’en France, la future loi d’orientation sur les mobilités – LOM – s’annonce comme le troisième axe de cadrage du secteur, Bruxelles et sa région resteront-ils les derniers de la classe ? Espérons que Pascal Smet ne laissera que le souvenir d’une mauvaise blague dans l’histoire du taxi bruxellois… HM