Eliena, Michel, Pascal, Frédéric, Pierre… À la gare d’Angoulême en Charente (16), les 26 taxis de la ville, tous regroupés dans un central radio avec un numéro d’appel unique, s’égrènent à tour de rôle et se confient quelques minutes avant une nouvelle prise en charge pour y revenir plus tard, fidèles à leur port d’attache. On y perçoit un amour du travail de proximité, qui privilégie le contact humain à la révolution numérique, que ce soit entre collègues ou avec la clientèle. Les temps sont durs, mais ils en ont vu d’autres. Rencontre.
La vie de province
Avec moins de 50 000 habitants – près de 105 000 pour la communauté d’agglo –, Angoulême peut s’enorgueillir de manifestations d’envergure nationale et au-delà : Festival du film francophone, Festival Piano en Valois, sans oublier le célèbre Festival international de la bande dessinée ! Cependant l’activité touristique ne saurait suffire à alimenter l’activité des 35 taxis du Grand Angoulême (16 communes aujourd’hui, 35 en 2017). « Quand j’ai commencé à 39 ans, je n’avais pas 100 balles pour le plein. Je dormais dans ma 404 sans téléphone pour ne rater aucune course. Maintenant la vie est belle ! » déclare avec un grand sourire Michel Laffort, vice-président UNT du département. Les 26 taxis de la ville sont indépendants mais respectent scrupuleusement le règlement intérieur du groupement. Audible par tous, la transmission des courses permet à chacun d’être informé de l’activité du réseau. « D’être tous à l’écoute nous permet de se passer la balle en fonction du déroulé des courses de chacun ».

Avec la gare comme point de ralliement, les taxis
angoumoisins se répartissent les courses au plus près des attentes de la clientèle.
Les temps sont rudes
Pour autant, tout n’est pas idyllique. Alors que les taxis de Charente réalisent 60 à 70% de leur chiffre d’affaires en transports médicaux, la convention CPAM du département est des plus drastiques, supprimant la course d’approche et obligeant les professionnels à une remise de 15 %. Côté CMPP, leurs tarifs squelettiques n’attirent guère les transporteurs, d’autant que les courses qu’ils proposent tombent souvent aux heures d’affluence en gare. Avec 60 % du temps passé à vide, les taxis d’Angoulême ne sont pas en reste et tous dénoncent le référencement pratiqué par les PagesJaunes qui minimise l’importance de la commune de rattachement au détriment des professionnels et de la clientèle. Ils souhaiteraient également pouvoir afficher de la publicité pour leur prestation de transport de malades à l’instar des sociétés d’ambulances qui détiennent aussi des taxis.
Partage du travail
Bénéficiant de l’accès aux voies de bus, les taxis de la ville travaillent en contrat avec la SNCF pour le transport de ses personnels ainsi qu’avec de grandes sociétés internationales telles Leroy-Somer. Ils entretiennent par ailleurs de bonnes relations avec les extérieurs, privilégiant la répartition du travail afin d’assurer le service auprès de la clientèle en fonction des temporalités. Faute de potentiel de clientèle, les VTC ne font pas partie du paysage d’Angoulême. Les seuls exerçant dans le département sont du type grands remisiers en lien avec les caves de Cognac. Sans refuser la modernité, les taxis de Charente ont décidé de « laisser du temps au temps ». Pas d’urgence pour les Angoumoisins à renouveler leur équipement radio actuel ; quant aux ruraux, qui travaillent quasi exclusivement pour le transport de malades et sont déjà équipés de lecteurs de carte Vitale, CB et Open data sont loin de leurs préoccupations premières.
LT (propos recueillis HM)
Plus d’infos :
Radio taxis d’Angoulême