Lancé depuis le début de l’été, le jeu Pokémon Go illustre grandeur nature la pénétration de l’économie virtuelle dans notre réalité. Pour ceux auxquels le divertissement échappe, il s’agit de chasser des petits animaux imaginaires grâce au téléchargement d’une application smartphone. Mêlant astucieusement vidéo et réalité augmentée – technologie qui fait apparaître des éléments virtuels dans le monde réel -, les joueurs se servent de l’appareil photo de leur smartphone pour voir les personnages à attraper. Cherchant à s’amuser alors que pleuvent les actualités anxiogènes ou jouer en famille pendant ces vacances d’été, 75 millions de personnes à travers le monde ont déjà téléchargé l’application. Ainsi géolocalisés en temps réel, connectés à internet, ils jouent en se déplaçant en extérieur afin de trouver des points de ravitaillement nécessaire à la poursuite de leur partie. Le concept connait un grand succès. Créant des rassemblements spontanés et suscitant des comportements atypiques, il chamboule les Pouvoirs publics en pleine gestion de crise sécuritaire. Les yeux rivés sur leur téléphone, les chasseurs s’inscrivent dans une réalité décalée occasionnant maladresses et incidents. Le musée de l’Holocauste de Washington, ne pouvant interdire à ses visiteurs de jouer dans son enceinte, multiplie les appels à la décence. En France, la Gendarmerie Nationale diffuse des messages de prévention rappelant l’incompatibilité du jeu avec la conduite d’un véhicule. Quant à la SNCF, elle a appelé tous ses agents à faire preuve d’une grande vigilance pour prévenir des comportements inconscients de certains passagers. Augmentant non pas la réalité mais notre perception de celle-ci, cette technologie « devrait représenter un marché mondial de 120 milliards de dollars en 2020 et plus de 2,5 milliards d’applications en réalité augmentée devraient être téléchargées chaque année à partir de 2017 » annoncent les spécialistes. Elle promet d’animer les manuels scolaires, de faciliter l’apprentissage, etc. Associée à un catalogue de meubles bon marché, elle offre déjà la possibilité de positionner un meuble dans une pièce avant de l’acheter ou d’essayer virtuellement une paire de lunettes. Collectant les données personnelles du consommateur, elles permettront de proposer des offres ciblées en fonction de notre personnalité. Le client n’aura plus à décider de consommer, l’algorithme l’y invitera au moment idéal ! La rapacité du marketing numérique fait craindre le pire pour l’état de santé de notre libre-arbitre. La réglementation des usages de cette innovation est balbutiante et seul le bon sens de chacun sert de rempart. Pourtant, nouveau paradis artificiel, il était amusant de jouer à attraper Pikachu dans les rues de Paris, installés à l’arrière d’un taxi, retrouvant ainsi sur le chemin de la maison, un peu d’insouciance.
HM