Médiateur de la première mission ordonnée en 2014 par le gouvernement et architecte de la loi du 1er octobre 2014 relative à l’activité des taxis et des VTC, Thomas Thévenoud vient de faire paraître « Une phobie française ». Faisant le point sur ses déboires médiatiques et ses combats politiques, il consacre certaines de ses pages aux taxis : « Je me souviens de la première fois où je les ai reçus à l’Assemblée nationale. Je revois leurs visages. Ils s’appellent Ahmed, Nordine, Abderrahmane. J’ai découvert des hommes et des femmes, quelques-unes, pas nombreuses mais plus attachantes encore et, surtout, j’ai découvert un métier. » Rencontre avec le député de Saône-et-Loire, devenu un véritable horloger du transport de personnes.
Qu’avez-vous appris grâce à cette médiation ?
Les taxis ont changé ma vie, en bien [il sourit]. J’étais un élu de Saône-et-Loire qui n’était pas confronté à la problématique du VTC. En travaillant sur ce sujet, j’ai compris beaucoup de chose et pas seulement sur le taxi. J’ai rencontré des chauffeurs qui défendent à juste titre leur emploi, j’ai aussi découvert un monde en pleine mutation. J’ai appris à dépasser la caricature, un exercice difficile dans une époque où il est d’usage de coller des étiquettes sur les autres. Les taxis sont souvent victimes d’un déficit de reconnaissance, mais le phénomène est plus large comme je le souligne dans mon livre : « Les taxis, les enseignants, les infirmières, les médecins généralistes, les chefs d’entreprise, tout le monde demande à être reconnu. La France est un pays en mal de reconnaissance. »
Que pensez-vous de l’application de la loi que vous avez initiée ?
J’ai souhaité intégrer dans l’article 3 de la loi du 1er octobre 2014 une disposition obligeant une évaluation de l’application de la loi et un suivi de sa mise en pratique. Un des charmes français est de changer la loi avant même de l’avoir appliquée. Le rapport de l’IGF [NDLR : Inspection générale des finances] contribue de façon impartiale à reconnaître l’équité de la loi. L’écart entre le vote de la loi et son application est un des travers français, mais comme on dit dans la grande distribution, il faut donner sa chance au produit ! La loi Thévenoud existe, il faut donc commencer par l’appliquer. La mise en place des forfaits aéroports pour les taxis parisiens est un exemple flagrant. C’est une bonne mesure pour l’accueil des touristes dans la capitale mais qui ne vaut que si les voies réservées sont mises en œuvre et respectées !
Le taxi est-il un secteur d’avenir ?
Oui et ce secteur d’activité va créer des emplois dans les années à venir. Au-delà de la question du transport individualisé de personnes, les taxis sont devenus le symbole de la révolution numérique. On parle beaucoup de l’ubérisation de l’économie mais je crois qu’il faut être prudent. Il faut faire attention à ce que l’économie du partage ne soit pas l’économie du partage des restes ! Je tire la sonnette d’alarme sur la précarisation de nombreux emplois. On veut créer des emplois, c’est normal. Mais à quel prix ? Il y a dans les pratiques de certaines compagnies de VTC une dérive vers un service de transport low cost. C’est la raison pour laquelle j’ai toujours pensé qu’il fallait exiger une formation plus importante des chauffeurs de VTC. Concernant l’éventuel rachat des licences par l’État, je pose une question toute simple : qui va payer ? Je crains que cette idée ait été avancée par le gouvernement pour gagner du temps, un gouvernement qui reste par ailleurs très divisé sur la question des taxis et des VTC.
Livre « Phobie française », Editions Grasset, Thomas Thévenoud, 2016.