Avec des exigences et des valeurs distinguées par la remise du Mérite et du Prestige National ainsi que par la médaille d’honneur du Comité de France au titre du tourisme et des services, Yves Andraud a refusé de céder aux sirènes de la déréglementation. Il est resté grand remisier dans l’âme et peut se flatter de respecter la loi. Revendiquant son professionnalisme de transporteur, il dénonce la dérive du transport individualisé sur réservation.

Yves Andraud, SETA
Vous avez participé aux premières consultations du rapport Thévenoud. Par expérience, quelles erreurs la nouvelle médiation devrait-elle éviter ?
Le pêché originel de la mission confiée au député Thomas Thévenoud, c’est d’avoir fait le distinguo entre taxis et VTC, au lieu d’établir la ligne de partage entre les transporteurs et les plates-formes de mise en relation. À l’époque, nous autres grands remisiers et VTC titulaires de leur véhicule aurions dû emboîter le pas aux taxis. Mais nous n’avons pas su nous regrouper et nous structurer. Nous en payons aujourd’hui le prix fort. Il existe une différence fondamentale entre plates-formes et transporteurs. Les créations d’emplois que promettent les « applicateurs » sont un leurre, de même que leur prétendue défense du consommateur. Leur opportunisme me fait penser à celui de la grande distribution quand est apparu le « phénomène » des capsules Nespresso. À force de dénoncer la cherté de ce nouveau produit, ces grandes enseignes ont obtenu le droit de commercialiser des capsules compatibles et aujourd’hui, on voit le résultat : il est plus économique de les acheter directement chez Nespresso !
Vous dénoncez une dérive de l’auto-entreprenariat en « salariat déguisé ». Quels en sont les mécanismes ?
Originellement, le régime de l’auto-entrepreneur a été mis en place pour favoriser la déclaration fiscale de revenus annexes à son activité professionnelle. Il était conçu comme un régime transitoire permettant de démarrer une nouvelle activité. Aujourd’hui, le secteur des VTC ex-grande remise est pollué par le recours systématique et exclusif que font certains collègues aux chauffeurs auto-entrepreneurs, alors que pour ma part, j’ai toujours fonctionné avec des chauffeurs en CDI, ne faisant appel à des vacataires ou des CDD que de manière exceptionnelle pour faire face à la demande. L’auto-entreprenariat ne peut constituer une forme « normale » d’exploitation, surtout dans les professions réglementées. Il instaure par définition une précarité pour le conducteur mais fait également peser un risque sur le service rendu car la sous-traitance a pour conséquence un désengagement du transporteur vis-à-vis du client.
Quelle issue voyez-vous à cette crise du transport individualisé de personnes ?
La simple et entière application de la loi ! Par exemple, le retour au garage obligatoire pour tout VTC ayant déposé son client, une règle fondamentale dans notre activité de service sur réservation ; ou encore une signalétique inamovible sur les véhicules, comme aux Pays-Bas ou en Italie, au lieu de vignettes aisément imitables ; l’intégration des véhicules Loti aux VTC afin d’éviter les dérives auxquelles on assiste quotidiennement ; des dimensions « honorables » pour les véhicules de transport de personnes ; une formation obligatoire pour les dirigeants de société VTC, à l’instar de celle exigée pour les chauffeurs. Si la loi n’est pas appliquée, dans six mois, tout recommencera !
LT (propos recueillis HM)