Acte militant dans un contexte médiatique polémique, Laurent Lasne a sacrifié son été pour rédiger cet essai d’actualité. Avec force références, il dénonce le « maraboutage généralisé de la société par l’Uber-économie ». Un travail précieux, à lire sans modération…
Titrer votre ouvrage du nom de la célèbre multinationale est-il une stratégie de publicité ?
Cela risque plutôt de gêner la diffusion de mon livre car la mode est favorable à Uber au détriment des taxis. Le développement de cette application est une véritable entreprise de déstabilisation et la finalité d’Uber est d’imposer une norme internationale en bousculant les règles de droit et en flirtant avec l’illégalité. Cet essai me donne également l’occasion de témoigner de l’extraordinaire capacité d’intégration sociale et technologique de la profession de taxi. Dans les années 30, victimes du contexte économique de l’époque, les taxis ont traversé la même situation. Pour faire face au désordre généré par une grande paupérisation des chauffeurs, ce sont déjà les pouvoirs publics qui ont cadré l’activité. La résistance est une qualité du métier de taxi, dans son parcours personnel comme dans son travail quotidien. Enfin, mon objectif était aussi de rendre compte de la dimension sociale et culturelle du métier célébrée par Prévert, Léo Ferré, Aragon ou plus récemment par le chanteur Grand Corps malade.
Que tentez-vous de démontrer ?
Aux États-Unis, avant de lancer Uber, son fondateur, Travis Kalanick, a créé deux start-up qui ont cumulé les condamnations pour non-respect des droits d’auteur et charges sociales impayées. Sa sournoiserie réside en outre dans le travail qu’il réalise autour du terme « innovation » qui a pour ambition de ringardiser tout autre modèle. Or c’est l’inverse car, pour fonctionner, son modèle s’adosse à des pratiques de régression sociale. Sa communication use de mensonges et de malhonnêteté, elle promet des créations d’emplois alors qu’elle travaille intensément au développement des véhicules sans chauffeur. Elle revendique être moins chère mais elle fonctionne sur un algorithme qui augmente automatiquement les tarifs lorsque la demande s’accroît. Les Londoniens en ont récemment fait les frais lors de la dernière grève des transports publics et de nombreux Parisiens se souviennent de leur facture du nouvel an dernier ! L’UFC Que choisir, une référence en matière de respect des consommateurs, a relevé 22 clauses illicites ou abusives dans les contrats d’utilisation de l’application mais plus personne n’en parle…
Quelle est la particularité de son implantation dans notre pays ?
En France, l’application UberPop a été condamnée très rapidement mais le caractère suspensif des appels de justice a permis à la multinationale de se développer. Le début de l’histoire n’est pas le conte de fées raconté aux médias mais commence réellement avec la commission Attali. La première implantation internationale d’Uber s’est faite en France, à Paris précisément, car la combinaison de la création du statut d’auto-entrepreneur avec la création des VTC a offert une faille juridique idéale. Dans les entreprises du numérique, l’activité n’est pas essentielle, c’est la récolte des données personnelles pour tout téléchargement qui est leur moteur. D’ailleurs, Uber se présente comme un éditeur d’application de mise en relation et surtout pas en tant que régie de transport afin d’éviter ses responsabilités sociales. Dès lors, lorsque l’on y ajoute son déficit de loyauté fiscale, le soutien de certaines personnalités telles qu’Emmanuel Macron, le ministre de l’Économie, paraît incohérent.
HM
Commander l’ouvrage :
« Uber, la prédation en bande organisée »
Laurent Lasne, Le Tiers-Livre, 168 p. 7 €.
www.letierslivre.com ainsi qu’auprès des librairies et du réseau FNAC.