Californie : l’Uber-économie contestée

«L’ action judiciaire en nom collectif » – la fameuse class action popularisée par le film Erin Brockovich – que vont pouvoir désormais intenter 3 chauffeurs d’Uber en Californie fait déjà pas mal de remous en Californie. Son objectif ? Faire requalifier leur statut d’auto-entrepreneurs en celui d’employés de la société. Même si elle ne risque d’aboutir que dans plusieurs années, l’affaire met en lumière le recours massif à la sous-traitance dans un pays où plus de 3 millions d’actifs ne sont plus aujourd’hui que de la « main-d’œuvre flexible »… Un modèle qu’Uber souhaiterait bien exporter !
Salariés ou indépendants ?
Uber doit faire face aujourd’hui à une contestation grandissante dans l’État qui l’a vue naître. L’enjeu est crucial pour la société qui, si d’aventure elle perdait le procès, verrait s’effondrer tout simplement son modèle économique. Malgré leur récente condamnation à payer à l’une de leurs conducteurs ses frais d’assurance et de péage, les dirigeants d’Uber minimisent la portée du jugement : il ne concernerait que quelques milliers de chauffeurs sur les 160 000 répertoriés en Californie depuis le lancement de l’application en 2009… Normal, Uber a pris la précaution de faire signer il y a peu à ses chauffeurs une clause par laquelle ils renoncent à leur droit d’intenter un recours collectif ! Au cours de la procédure, la société a même tenté de produire une pétition signée par 400 chauffeurs déclarant être satisfaits de leur statut actuel. Un argument rejeté par le juge Chen qui a estimé l’échantillon « statistiquement insignifiant ». La jurisprudence pourrait faire tache d’huile sur l’ensemble des 50 États américains, c’est en tout cas ce que promet l’avocate des chauffeurs, Shannon Liss-Riordan, célèbre pour avoir déjà fait plier FedEx, le géant de la livraison de colis, dans un procès de même nature…
Pratiques illégales
Coïncidence ou pas, dans sa décision du 31 août 2015, le National Labor Relations Board (bureau chargé d’enquêter sur les pratiques illégales dans le monde du travail aux États-Unis) a estimé qu’intérimaires et sous-traitants pourraient être considérés comme des employés à part entière, même dans le cas où ils ne seraient pas sous l’entière supervision de l’entreprise contractante. À partir du moment où l’entreprise contraint ses sous-traitants à respecter horaires, code vestimentaire, tarifs, etc., elle est considérée comme employeur direct et ne peut plus s’exonérer des impôts et cotisations sociales qui lui sont exigés. Une décision qui a fait bondir le patronat américain et dont les répercussions dans les secteurs de la restauration rapide et du BTP vont bien au-delà du cas Uber.
Enjeu de campagne
L’affaire s’invite même dans la course à la présidentielle de 2016. Hillary Clinton, candidate démocrate, demande à la classe politique et aux citoyens de s’interroger sur ce que signifieront demain les notions mêmes d’emploi et de protection du salarié. Aux États-Unis, la révolte des « travailleurs 1099 » – du nom du formulaire utilisé par leur contractant pour les déclarer comme indépendants – commence à inquiéter les investisseurs des giga-start-up telle Uber qui savent que la viabilité de ces sociétés reposent essentiellement sur l’utilisation massive de sous-traitants. En témoigne le nombre de sites où les internautes s’interrogent sur la validité de leur contrat. En témoigne également le souci des États à travers le monde de maintenir la cohésion et l’équité sociales face à des multinationales qui s’affranchissent (légalement ) de tout impôt et cotisation.

LT

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