Dans le bras de fer engagé entre la Ville de New York et Uber, la compagnie californienne semble avoir remporté le premier round. Alors que le maire, Bill de Blasio, voulait limiter à 1 % la croissance annuelle du parc des VTC – dont les 3/4 roulent pour Uber –, la multinationale de mise en relation par smartphone a réussi à convaincre le conseil municipal d’y renoncer après une violente campagne utilisant les réseaux sociaux, l’e-mailing, les télés locales et les candidats à la présidentielle américaine de 2016.
Manhattan paralysé
Constatant que la vitesse moyenne a chuté de 9 % entre 2010 et 2014 dans les beaux quartiers de New York, son maire a accusé les VTC d’être en partie responsables de cet état de fait et souhaite ralentir l’inflation des VTC et ses 2000 nouveaux permis délivrés chaque mois. Aujourd’hui, ce sont plus de 20 000 chauffeurs Uber qui circulent dans New York contre seulement 13 587 yellow cabs. Face à la menace, Uber a aussitôt riposté en prétendant que ses véhicules ne faisaient que se substituer à ceux déjà en circulation*, que le maire se souciait peu des quartiers pauvres désertés par les taxis et les transports en commun, qu’il ne faisait que renvoyer l’ascenseur à ses gros contributeurs de campagnes que sont les taxis new-yorkais… Du pain bénit pour Jeb Bush, l’un des candidats républicains à la présidentielle, et un véritable casse-tête pour Hillary Clinton qui a tenté plus ou moins adroitement d’éteindre l’incendie. Pire encore, Uber a accusé Bill de Blasio d’étouffer dans l’œuf la création potentielle de 10 000 emplois !
Complot politique contre le Démocrate Bill de Blasio ? Même pas… Travis Kalanick, le patron d’Uber, est un grand défenseur du nouveau système de sécurité sociale prônée par l’actuel président des États-Unis, tandis que David Plouffe, chargé de la stratégie d’Uber, est l’ancien directeur de campagne de Barack Obama. Quant à l’argument de l’emploi, régulièrement agité par Uber partout où il est implanté pour s’attirer les faveurs de l’opinion publique, il convient de relativiser. Selon une étude menée en octobre 2014 par la société elle-même, 42 % de ses chauffeurs exerçant à New York ne travailleraient que 15 heures ou moins par semaine. De là à dire qu’Uber est un destructeur d’emplois pérennes au profit de la multiplication de petits boulots d’appoint mal protégés, il faudrait vraiment avoir l’esprit mal tourné et ne pas craindre d’être catalogué comme « fossoyeur de l’innovation » de surcroît « corporatiste » !
The winner takes it all
Start-up la plus valorisée au monde à hauteur de 50 milliards de dollars, Uber ne cesse pourtant de perdre de l’argent depuis sa création en 2009. « La machine à brûler du cash », pour reprendre le titre d’un article de Libération, générerait aux alentours de 415 millions de dollars de recettes annuelles contre 470 millions de pertes. Mais avec une croissance annuelle de 300 %, elle ne cesse d’attirer les investisseurs et applique le principe du winner takes it all, le gagnant rafle tout. Appliquée en son temps et avec succès par ses petits copains d’Amazon et Microsoft, ce dernier ayant réussi à imposer ainsi son système d’exploitation Windows au monde entier, cette méthode consiste à laminer d’abord la concurrence, quel qu’en soit le prix et par tous les moyens. Pour cela, Uber peut compter sur le soutien d’un autre de ses bons amis, Google. La nouvelle version de Google Maps pour iOs et Android rajoute en effet les VTC dans les moyens de transport. Enfin, pas n’importe lesquels, voire même un seul : Uber !
LT.
* Étude menée par Mark Kleiman, professeur à l’Université de New York… et financée par Uber !