La loi Thévenoud va-t-elle pouvoir réconcilier taxis et voitures avec chauffeurs ? Avec les rebondissements que le sujet a connus depuis l’arrivée des sociétés applications smartphones pour VTC sur le secteur, rien ne semble garanti tant que les décrets d’applications ne sont pas publiés. Néanmoins, elle constitue une première étape sur laquelle nous avons recueilli les impressions de Yann Ricordel, directeur général des Taxis Bleus.

Que pensez-vous du texte voté ? Vous semble-t-il équilibré ?
C’est à la fois un soulagement et une énorme frustration. Après des mois de concertation et de travail, le résultat était attendu, mais il n’est pas à la hauteur de ce que nous aurions pu espérer, si l’on reprend la lettre de mission confiée au député Thomas Thévenoud. Il s’agit certes d’un point étape important, mais l’essentiel résidera dans le contenu des décrets d’application puis dans sa mise en œuvre. D’autant que, à lire les commentaires depuis le vote de cette loi, chacun en a une interprétation différente. Afin de distinguer taxis et VTC, députés et sénateurs ont préféré la notion de maraude au détriment d’autres critères tels que gamme de véhicules, distances, etc. Or sa déclinaison en « maraude électronique » reste un concept plus que flou, un véritable no man’s land qui n’est pas près d’être clarifié, que ce soit pour les forces de l’ordre ou pour les chauffeurs eux-mêmes, alors que la notion essentielle « d’autorisation de stationnement » aurait dû être la clé de voute de ce texte.  Si les ex-grandes remises bénéficient d’une tolérance pour stationner sur la voie publique devant les hôtels de prestige, le flou artistique qui règne autour des gares et des aéroports risque d’attiser le conflit entre taxis et VTC. D’autant que parmi ces derniers, le principal acteur a bien affirmé son intention d’intenter tous les recours possibles pour annuler cette loi qu’il juge « anti-innovation ».
Le développement d’application smartphone taxi comme celle de la Mairie de Paris permettra-t-elle une réelle innovation ?
Le lancement de Paris Taxis, l’application smartphone de mise en relation de la Mairie de Paris, démontre que ce n’est pas le projet d’open-data, qui donne un accès publique aux données de géolocalisation des taxis, qui permet le développement d’applications de mise en relation, ce que la confusion des concepts pouvait laisser croire. Cette application ne vise pour l’heure qu’à moderniser l’usage des bornes d’appel de la capitale dont la technologie remonte aux années 90. C’est sans doute un progrès, mais il faudra rapidement clarifier la responsabilité de l’intermédiaire « Mairie de Paris » qui organise la mise en relation, renforcée par la nouvelle loi en cas de défaillance de la prestation. Elle nous incite également à continuer d’apporter des services inédits à nos clients, pour continuer de nous différencier.
La possibilité pour les taxis d’appliquer des forfaits sera-t-elle un progrès ?
Chez Taxis Bleus, nous avons d’ores et déjà introduit la notion de prix maximum garanti sur notre application, en préservant la réglementation qui définit le compteur comme un tarif plafond pour le client. La forfaitisation de certaines courses est une avancée parce qu’elle correspond à la demande de certains clients et à de nouvelles formes de consommation. Mais leur mise en place pour les aéroports ne peut être réalisée sereinement qu’à la condition d’être accompagnée par la mise en place effective de voies réservées depuis Orly et Paris-CDG. Le conseil de Paris devait d’ailleurs voter la réalisation de travaux en ce sens sur l’A6 A et sur l’A1. Nous restons en effet intimement persuadés que le premier frein à la croissance de l’activité en Île-de-France reste la circulation. Les parlementaires ont donné rendez-vous dans un an pour valider ce nouveau cadre réglementaire. Attendons de voir.
LT Propos recueillis par HM