Quand les taxis parisiens sont dans la tourmente, les journalistes hexagonaux, bien aidés en cela par les sociétés d’applications smartphone qui leur soufflent dans l’oreille, nous ressortent une fois de plus le vieil adage selon lequel l’herbe est toujours plus verte ailleurs. Après les yellow cabs new-yorkais, ce sont ces merveilleux black cabs londoniens dont il faudrait s’inspirer.
100% News vous propose de sortir un peu de cette paresse intellectuelle pour examiner plus précisément la situation outre-Manche.
Les chiffres
Plusieurs éléments entrent en ligne de compte. D’un côté, on a 22 000 black cabs pour une population du Grand Londres d’environ 8,2 millions d’habitants ; de l’autre, 17 600 taxis parisiens pour bassin d’activité de 6,7 millions d’individus. Si l’on applique une simple règle de 3, on observe que le ratio n’est pas si défavorable pour Paris : un taxi pour 380 habitants contre un taxi pour 372 chez les Grands-Bretons. Oui mais attention, nous rétorquera-t-on, il ne faut pas oublier les VTC ! À Londres, on les nomme familièrement mini-cabs ou plus officiellement « private hire »… et il y en a près de 50 000, contre seulement 4 000 à Paris ! Puisque l’augmentation du nombre d’autorisations parisiennes de stationnement est contrainte par les textes et soumise au bon vouloir du préfet de police, il suffirait donc de multiplier le nombre de VTC opérant sur la région parisienne pour obtenir enfin une offre satisfaisante pour la clientèle. Là encore, ce n’est pas si simple. En effet, le nombre moyen de courses effectuées quotidiennement de part et d’autre de la Manche n’est pas identique, les Français, qu’ils soient taxis ou VTC, effectuant plus de courses que leurs homologues britanniques. Mais cessons-là ces querelles de chiffres et intéressons-nous plutôt à un facteur systématiquement oublié des médias, le schéma urbain.
Question de circulation
Le territoire du Grand Londres est deux fois plus étendu que celui de Paris et la petite couronne, pour une population à peine 20 % supérieure. En outre, population et activités sont nettement plus concentrées dans la zone de prise en charge des taxis parisiens. Ajoutons à cela les différences de vitesse de circulation : 15,4 km/h à Paris entre 7 h et 21 h – selon la ville de Paris – contre plus de 20 km/h dans le centre de Londres et sur le pic du matin. La raison ? L’instauration en 2005 d’un péage urbain qui a permis de décongestionner la capitale britannique. Quel rapport me direz-vous avec l’attractivité et la disponibilité des taxis parisiens ? Dans une ville aussi embouteillée que Paris, il est normal que ses résidents se tournent plus volontiers vers des modes de transport alternatif tels que les transports en commun en site protégé – métro, tramway et bus – ou encore les Vélib’.
À Londres, l’étendue du territoire complique l’efficacité des transports en commun.
Question d’offre de transports
Paris bénéficie en effet d’un réseau de transport en commun beaucoup plus dense qu’à Londres, et les chiffres le prouvent. 3,6 milliards de trajets par an pour les deux capitales, mais si l’on rapporte ce chiffre à la population, on constate que le nombre de trajets par an et par habitant est de 20 % supérieur à Paris : environ 450 pour Londres contre 540 à Paris. Aux heures de pointe, là où la demande est la plus forte, il est normal que la clientèle se reporte vers ce type de transports au détriment du celui de moins de 10 places pour bénéficier ainsi d’un temps de trajet et d’un coût moindres.
Dernière remarque, histoire d’égratigner les confrères : les journalistes qui vantent les méritent des taxis londoniens n’ont certainement jamais dû mettre la main à la poche pour payer leur course. LT
* Voir 100% News n° 26