« Fin du taximètre ou fin du taxi des villes ? », R. Darbéra – CNRS

Dans son article paru le 12 février dernier dans la revue Ville, Rail & Transports, revue d’informations consacrées aux politiques de transport sur le territoire national, en Europe et dans le monde, Richard Darbéra expose les implications du développement des smartphones dans le taxi. Si son analyse de l’évolution de l’offre taxi nous paraît dans l’ensemble pertinente, certains propos de ses propos invitent néanmoins au débat. Extraits et commentaires.

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Une vision futuriste
« Pourquoi les taxis ont-ils un lumineux ? » Commençant son exposé par un questionnement faussement naïf, l’auteur souligne certes la praticité du système pour le client qui, d’un simple coup d’œil, peut évaluer si le taxi est libre ou pas, mais semble oublier certains essentiels de l’activité taxi tel que la possibilité de contrôle offerte aux forces de police pour le bien des clients et le respect des transporteurs… Tout en rappelant le juste prix que garantit l’existence d’un compteur et affirmant, par un retour d’expérience historique sur plusieurs pays, qu’en milieu urbain, l’introduction d’une concurrence des taxis traditionnels par les prix est impossible, l’auteur extrapole sur l’impact des nouvelles technologies dans le transport de moins de neuf places. « Changement de décor », nous prévient-il d’emblée. Richard Darbéra se met alors à surfer sur le fantasme de la mise en relation instantanée qu’apportent les nouvelles technologies et l’organisation des communautés virtuelles. Concrètement, aucun avantage sur le service déjà rendu par les centraux radio, à l’exception peut-être du choix entre un transport à deux ou à quatre roues… En revanche, côté chauffeur, « le taxi pourra choisir à quel prix il mettra aux enchères sa prochaine course ! » Mais où seront les voitures ? Qui seront les chauffeurs ? Un forfait aux enchères aux heures de pointe, c’est le risque pour nombre de clients de subir la même mésaventure qu’a connue l’animatrice télé Valérie Damidot lors des fêtes de fin d’année : 192 € pour une course de 3 kilomètres !
Une tendance internationale
Dans la Apple Ville ou Google City, comme les nomme non sans ironie Richard Darbéra, « plus besoin d’autorité régulatrice pour administrer les tarifs et fixer le nombre de licences. La simple interaction de l’offre et de la demande déterminera, comme elle le fait déjà pour le transport aérien, les tarifs et les nombres de véhicules nécessaires pour différents niveaux de service. Le rôle du régulateur se résumera à empêcher, dans chacune des villes, qu’un prestataire d’application atteigne une position de monopole. » Aïe ! Faudra-t-il attendre que se produisent quelques « gros crashs » dans le transport urbain et que se manifeste le désir légitime des clients d’arriver entiers à destination pour assister au retour d’une autorité régulatrice ? Quant à préserver le secteur de monopoles, quels qu’ils soient, ne serait-ce point une utopie lorsque l’on voit ce qu’il est advenu du transport scolaire et les remous qui agitent le transport de malades assis ? D’après l’expert du CNRS, cette réflexion est encore futuriste mais les évolutions du transport de moins de neuf places à New York, Londres ou Berlin tendent vers cette perspective.
Marketing ou juste prix ?
Fort de ses recherches, Richard Darbéra évalue la situation de la concurrence : « On compte en Île-de-France environ 10 000 taxis sans taximètre [sic]. Ils ont pour nom officiel « voitures de tourisme avec chauffeur » (probablement plus de 2000 véhicules) ou « transports occasionnels de voyageurs » (environ 8 000). Dans la première catégorie, on trouve des entreprises comme Voitures jaunes ou Uber. Dans la deuxième, Shuttle et les innombrables navettes d’aéroports et d’hôtel. Les applications pour téléphones intelligents existent déjà aussi. […] Pour l’instant, en France, ces applications ne peuvent mobiliser au mieux que quelques dizaines de véhicules. On est loin des milliers de véhicules affiliés à myTaxi en Allemagne ou à HailoCab et GetTaxi à Londres, ou Taxi Magic aux États-Unis. »
Il souligne le développement des applications taxis, notamment à Paris, mais semble considèrer la course d’approche comme un frein au développement du taxi. Selon l’auteur, la plupart des clients la perçoivent cette rémunération de cette « réservation instantanée » comme un supplément indu, estimant ne devoir payer qu’à partir de leur prise en charge. À voir si les points de vue n’évolueront pas au fil des expériences car, entre une course d’approche évaluée au compteur et la marge faite sur un transport grâce à une tarification au forfait mise aux enchères, laquelle se révélera la plus avantageuse pour la clientèle ?
Particularités françaises
Les taxis de France évolueront-ils comme leurs homologues allemands qui ont vu leur organisation en centraux radio chamboulée par l’arrivée des applications smartphones ? Dans son article, notre expert ne fait pas de prédiction mais souligne « que l’on ne retrouve nulle part ailleurs qu’en France des centraux de réservation aussi bien retranchés derrière leur position de monopole, ni des taxis avec une aussi forte emprise politique. » Ne serait-ce pas un parti pris ? Les taxis seraient-ils blâmables de la solidarité  et de la réactivité dont ils peuvent témoigner à l’égard de leurs organisations professionnelles ou du central auquel ils sont affiliés ? Les mois et années à venir ne devraient pas tarder à nous donner la réponse car 46,6 % de Français sont d’ores et déjà équipés d’un smartphone (source Médiamétrie, septembre 2012).
Richard Darbéra est chercheur au Latts, Laboratoire Techniques, Territoires et Sociétés, unité mixte de recherche du CNRS. Il est l’auteur de plusieurs contributions et ouvrages sur le transport en milieu urbain dans le monde, dont Où vont les taxis, éd. Descartes & Cie, 2009.

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