Si les critiques entre gouvernement et opposition lors des débats parlementaires d’urgence sur les conditions d’évolution de la situation sanitaire sont cinglants, dans les foyers, chacun semble étourdi par le carillon d’ordres et de contre-ordres sur la discipline imposée pour enrayer la pandémie. Au lendemain de la prise de parole du Président de la République, nombreux sont les commerçants qui n’osent même plus se réjouir d’avoir été épargnés. Au « tester, isoler, vacciner » martelé par les autorités, certains répondent « encore s’adapter, mendier le fonds de solidarité et, surtout, ne pas craquer… » Dès la fin de l’allocution télévisée d’Emmanuel Macron, Yacine, taxi parisien, s’est tout de suite empressé de faire le plein de son réservoir. « Demain matin, beaucoup de gens vont vouloir se mettre au vert. Je veux avoir le maximum de chances de faire du chiffre avant que tout se referme à la fin du week-end », explique-t-il. Dans les heures qui ont suivi l’annonce de ce troisième confinement, la SNCF a vendu 130 000 billets de train. Il y a 15 jours, l’annonce d’un nouveau tour de vis sur les mobilités en Île-de-France avait engendré plus de 400 km de bouchon autour de la capitale.
Au bout d’un an de coronavirus, l’exode urbain se confirme. En 2021, 29 % des habitants d’Île-de-France – contre 24 % en 2020 – souhaiteraient quitter la région capitale. Loin des motifs sanitaires auxquels on aurait pu s’attendre, les motivations des candidats au départ sont principalement sociales (rejoindre un proche), professionnelles ou par souci d’affectation scolaire de leurs enfants. Attendant en frétillant la facétieuse journée du 1er avril pour distribuer poissons et blagues carambar, écoliers, collégiens et lycéens se réjouissent de la désorganisation générale avant deux semaines de vacances anticipées. L’enthousiasme des plus jeunes contraste avec le désarroi de nombreux parents devant, une nouvelle fois, combiner de front télétravail et vie familiale. Les entreprises ont beau tenter de s’organiser, le gouvernement n’octroiera le chômage partiel qu’à condition que l’un des enfants soit âgé de moins de 16 ans, pour un seul des parents et si le parent a un emploi incompatible avec le télétravail ! Un œil sur l’écran, l’autre sur l’enfant !
Vive le strabisme divergent et joyeux printemps !
Hélène Manceron