Devenu conseiller municipal en 2020 à la Mairie de Marseille, Sami Benfers, issu du transport de marchandise, a découvert une profession. Délégué au Contrôle des voitures publiques, il est interpellé par la mauvaise réputation dont souffrent les taxis de la cité phocéenne. Alors qu’il impulse une revalorisation du métier, il se heurte à des pratiques illégales et une opposition de certains chauffeurs. Il témoigne de sa volonté d’offrir un nouveau souffle aux taxis de la capitale du Sud.
Pourquoi la délégation des taxis vous a-t-elle été confiée ?
À la sortie du Covid, je suis interpellé par un taxi qui m’invite à faire remonter les doléances de la profession. Ma première intervention a été la rédaction d’une note à l’attention du Maire afin d’exonérer les taxis de leur droit de stationnement. À force de les rencontrer, un climat de confiance s’est établi et j’ai sollicité auprès de notre Maire, Benoît Payan, que me soit confiée la charge de cette délégation. Ensuite, je suis intervenu sur divers dossiers en souffrance concernant le taxi dans notre ville. À Marseille, la ville a la responsabilité de la gestion des 1115 licences. Le schéma de la mobilité marseillais évolue. Il y a moins de voitures particulières dans le centre-ville, nous incluons les mobilités douces. Dans ce contexte, les taxis doivent prendre pleinement la place qui leur revient. Au départ, je ne parlais pas d’augmenter le nombre de licences mais d’améliorer leur disponibilité. Nous avons travaillé sur le devenir des stations de taxis afin qu’elles soient positionnées aux points stratégiques de la ville et en site propre. Que ce soit en interne avec les adjoints en charge des autres délégations ou en externe face à la Métropole, le Grand port maritime de Marseille, les représentants de l’hôtellerie, de la CCI, ou ceux de la gare Saint-Charles, je suis devenu le VRP des taxis.
Quels constats avez-vous pu établir ?
Le taxi est un métier d’intégration professionnelle et culturelle. C’est un ascenseur social qui porte de nombreuses familles vers la réussite. Lors de plusieurs décès de chauffeurs, je me suis impliqué afin que soit rendu hommage au dévouement à leur métier dont ils ont témoigné. Lorsque la convention pour le transport de malades a été présentée, même si des économies sont nécessaires, j’ai défendu la nécessité des qualités humaines que prodiguent les taxis aux patients qu’ils transportent. Les taxis ont souffert et souffrent encore d’une mauvaise réputation qui leur est néfaste mais tout le monde réclame du taxi. Les plateformes VTC ont cannibalisé leur travail mais les taxis ont encore le potentiel de renverser la vapeur. Pour me rendre compte, j’ai organisé des réunions où chaque taxi pouvait participer et je suis allé sur le terrain. De jour comme de nuit, je suis allé à leur rencontre. Je suis alors témoin de nombreux dysfonctionnements et entorses à la réglementation. Je préviens les organisations professionnelles que nous allons procéder à des contrôles et là, c’est la catastrophe ! Tri de courses, débarquement de clients au motif qu’ils demandent une facture, défaut de contrôle technique, etc. Avant de saisir la commission de discipline, nous avons fait des rappels à l’ordre. Nous avons même instauré une commission de conciliation. Je ne suis là ni pour fragiliser les entreprises de taxi en confisquant les licences, ni pour faire le shérif !
Quelles perspectives à votre action ?
J’ai beaucoup de bienveillance pour la profession. Je ne crois pas à la pédagogie de la sanction. Mais je suis saisi, preuves à l’appui, de nombreuses irrégularités : concernant la formation continue, la gestion du central radio, la location-gérance des ADS, etc. Je tire la sonnette d’alarme auprès des organisations professionnelles en leur rappelant qu’en vertu de l’article 40 du code de procédure pénale, « tout officier public ou fonctionnaire qui, dans l’exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d’un crime ou d’un délit est tenu d’en donner avis sans délai au procureur de la République ». J’ai donc transmis un signalement en février dernier et, pour mettre fin à tout conflit d’intérêts, 2 personnes ont été exclues du service des taxis. Enfin, face à l’augmentation de l’activité de la ville qui a notamment accueilli en 2024 17,86 millions de voyageurs à la gare Saint-Charles et 11,17 millions de passagers à l’aéroport Marseille-Provence, j’ai proposé au Maire, auquel revient la décision, la création de 80 nouvelles ADS. Leur nombre n’a pas évolué depuis 1963 ! Les réactions de certains taxis ont été vives mais moins d’une centaine de chauffeurs ont participé à la manifestation contestataire et d’autres sont très favorables à cette mesure. Il faut arrêter le chantage à la manifestation. Pour donner un nouvel essor à la profession, il faut du courage. Le courage de se réformer, le courage d’avancer et de sortir de sa zone de confort qui n’est en fait que la mort lente du taxi.
Propos recueillis par HM









