Je profite que mon taxi glisse sereinement dans la circulation pour me remaquiller. Évitant de justesse un cycliste qui change de voie sans crier gare, mon chauffeur ne peut s’empêcher de lâcher « Espèce de crétin suicidaire ! »… avant de se rendre compte que son coup de frein habile mais brusque m’a fait repeindre ma joue au rouge à lèvres. Il me tend aussitôt la boîte de mouchoirs de son tableau de bord. « Tenez, servez-vous. Si vous voulez, il me reste des bonbons. Halloween, c’était hier soir. », s’excuse-t-il avec humour. Tout en tentant de réparer les dégâts, je le taquine : « Vous êtes un fan des sorcières et des citrouilles ? » « Perso, pas vraiment, ça n’existait pas quand j’étais môme, mais aujourd’hui, c’est devenu incontournable. Hier, j’ai accompagné mes gamins faire le tour du voisinage pour demander des bonbons puis je suis allé bosser car le soir d’Halloween, il y a autant de boulot que pour la Fête de la musique ! »
D’origine celtique, cette fête s’est américanisée au XXe siècle et connaît en France un engouement croissant. Selon une historienne, Halloween refléterait « notre inquiétude métaphysique de la recherche de l’autre monde », comme son homologue mexicaine El día de los muertos qui
« dédramatise la mort », et nous permettrait de nous purger de la violence de nos passions et de nos peurs…. L’influence de la culture nord-américaine expliquerait aussi pourquoi les premiers publics touchés sont les enfants et les ados qui ont envie de vivre ou de faire comme dans les séries ou les dessins animés qu’ils regardent. Hors religion, c’est dans les années 90 que le 31 octobre s’invite en France et s’impose peu à peu dans de nombreux foyers. Selon une étude, plus de six Français sur dix déclarent fêter Halloween, une part qui monte à 76 % chez les 18-24 ans.
D’année en année, les confiseurs se frottent les mains ! « Les chocolatiers ont Noël et Pâques, la confiserie a Halloween ! » se réjouit le service marketing de Haribo. « Pour le secteur de la confiserie, cela représente 135 millions d’euros chiffres d’affaires en 2024. En hausse de 53 % par rapport à 2019. » Une enquête OpinionWay parue en 2024 estime que le budget moyen des Français célébrant Halloween s’élève à 85 euros, une performance qui fait pâlir les autres secteurs alors que les ménages sont en pleine déconsommation.
Dans un contexte où économistes, politiques et médias jouent à nous faire peur, « Un bonbon ou un sort ? » reste un moindre mal.
Hélène Manceron








