Adossé à son véhicule, mon taxi se redresse pour m’accueillir. Nous nous saluons, ravis de nous retrouver enfin. « Désolée si je vous ai fait attendre mais des incendies perturbent encore le trafic ferroviaire. » « Pas de souci. J’avais peur moi aussi de ne pas être à l’heure car la multitude de travaux de voirie engagés cet été perturbent la circulation », me répond-il. Une fois sortis de la gare, il reprend : « Les politiques agitent la menace d’une année blanche mais ils sont plutôt en train de préparer les prochaines élections ! Ils nous serrent le kiki aujourd’hui pour mieux s’afficher demain en libérateurs. »
Dans l’attente de la présentation par le Premier ministre des mesures d’économie ce mardi 15 juillet, éditorialistes et journalistes s’en donnent à cœur joie sur les conséquences immédiates et les bienfaits escomptés de la cure d’austérité annoncée. Gel des prestations sociales, averse de grêle sur l’État providence, menace d’un tsunami économique, la période estivale est idéale pour faire fondre le pessimisme de l’opinion publique au soleil de juillet. L’effort devra être partagé par tous ou presque. La CGT redoute « une année noire pour les travailleurs » tandis que les géants du web continuent de voir la vie en rose.
Mon chauffeur continue de partager son analyse : « Les municipales sont en mars 2026 et les présidentielles en avril 2027. Ça se prépare maintenant. La stratégie de promettre des lendemains qui chantent est classique. Mon père, qui était taxi en province, disait : « Si tu aimes le maire, tu dis à tes clients coincés dans les embouteillages que les travaux sont un mal nécessaire pour une vie meilleure ; dans le cas contraire, que c’est un incapable et de l’argent jeté par les fenêtres. » » Après un silence que j’imagine de nostalgie : « Je ne sais pas pour qui je voterai car dans ce métier, les années blanches se comptent en décennie. Nos tarifs pour le transport de malades sont figés depuis 2019. Lors des jeux Olympiques, nos compteurs n’ont pas évolué alors que le ticket de métro a été multiplié par 4. Les coûts d’exploitation ne cessent d’augmenter, charge à nous de les compenser par notre travail pour assurer nos vies de travailleurs indépendants. »
Apparemment, on va en voir de toutes les couleurs !
Hélène Manceron
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