« Certains hommes font le ménage. Certains hommes sont heureux ». Les hommes seraient-ils heureux car ils font le ménage ? Dans un débat public où les arguments se réclament de la science, Michel de la Teigne nous éclaire sur la confusion permanente entre corrélation et causalité. Personnage désormais célèbre de la « culture taxi », Michel de la Teigne, véritable caricature d’un taxi parisien de l’ancienne génération, croque avec humour les travers et les incohérences de notre société. À l’occasion des numéros d’été du web journal, notre rédaction a eu le plaisir de partager quelques chapitres issus des albums « Banquette de veaux » et « Convoyeur de cons » publiés aux Éditions Rouquemoute. Dernier épisode de la saison !
Je ne vais pas revenir en détail sur tout ce que la télé-réalité a d’avilissant. J’en ai déjà parlé ici ou là, et surtout, si vous ne vous en rendez pas compte vous-même… « Jetez-vous par la fenêtre ! », comme le disait en ricanant mon prof de maths de troisième.
Ce que « Mariés au premier regard » apporte au genre, c’est la caution scientifique. Les crétins prêts à signer seraient associés par paires « scientifiquement », selon des critères « rigoureux » et une méthode déterminant « un pourcentage de compatibilité » : des mots savants, ça fait toujours sérieux.
Le hic, c’est que rien de tout ça n’est scientifique. Que tant de gogos puissent croire à ces sottises, et que des gogos des classes dirigeantes – psychiatres, consultants, producteurs – osent nous le raconter révèle la médiocrité collective de notre esprit scientifique.
Un exemple typique de cette ignorance – et sans doute le plus répandu – c’est la confusion permanente entre corrélation et causalité, entretenue par les journalistes et les commentateurs de tout poil qui semblent l’ignorer. Prenons un exemple :
C’est très simple, on nous présente deux faits :
A : Certains hommes font le ménage.
B : Certains hommes sont heureux.
Et en découvrant qu’il y a un certain nombre d’hommes qui, à la fois, font le ménage et sont heureux – ça, c’est la corrélation, le « en même temps » cher à notre despote – on établit un lien de cause à effet – une causalité – pour faire croire que les hommes sont heureux parce qu’ils font le ménage. C’est évidemment une erreur de raisonnement – pour ne pas dire une tromperie : ce n’est pas parce que les oiseaux ont des ailes et pondent des œufs, qu’il y a un lien de cause à effet entre les deux.
Ce genre de biais logique est présent partout, sur les plateaux télé et radio, dans les médias, à l’exception des revues scientifiques ou académiques sérieuses que personne ne lit. On finit par nous faire avaler n’importe quoi, à manipuler les faits pour nous faire croire que le réchauffement climatique n’existe pas ou qu’il n’y a pas tant de déforestation que ça en Amazonie, même au plus haut niveau d’autorité (suivez-mon regard, Trumpsonaro et consorts).
Or, la science, ce n’est pas un savoir : connaître par cœur les symboles des éléments chimiques ou les noms des ères géologiques ne rapproche personne de la vérité. La science, c’est une démarche ; c’est simplement l’apprentissage de la rigueur, de la méthode, de tout ce qui permet d’établir des faits et des vérités plutôt que de rester dans la croyance.
Lorsque les producteurs véreux d’M6 dévoient des tests de personnalité déjà très douteux pour faire de l’audience, ça n’a rien de scientifique et il faut le dénoncer. Les lunettes à double fond de Mac Lesggy et les blouses blanches des acteurs de pubs pour de la lessive, ce n’est pas de la science : c’est l’illusion grotesque de la rigueur, un faux-nez respectable pour tromper les veaux.
Il faudrait que chacun soit capable de tout remettre en cause, de ne rien gober sans réfléchir. Mais pour en arriver là… Par où commencer ?
Michel de la Teigne
Découvrir les aventures de Michel de la Teigne : micheldelateigne.fr
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