Mon tour arrive enfin. Dans la file d’attente de la station de taxi de la gare de Lyon, j’observe l’agent qui répartit les clients dans les véhicules. Face à la présence des forces de l’ordre mobilisées pour les Jeux, les racoleurs agissent en sourdine. Avec ma petite valise, je me vois attribuer une berline. Installée, j’engage la conversation en faisant remarquer à mon chauffeur la peluche de Phryge qui trône sur son tableau de bord. « Vous avez assisté à une compétition ? » « Non, me répond-il, mais je me suis acheté une Phryge pour faire plaisir à mes clients. Dès qu’ils entrent dans ma voiture et la voient, ça met une bonne ambiance. » Après un démarrage difficile, la mascotte des jeux de Paris 2024, inspirée du bonnet phrygien symbole des Révolutionnaires, fait désormais le buzz. Sur les réseaux sociaux, chacun post son selfie en sa compagnie. Je reprends : « Avez-vous pu travailler pendant les jeux Olympiques ? » « J’ai transporté quelques athlètes et VIP mais j’ai surtout fait des petites courses. On est loin des flots de clients qu’on nous avait promis. » Me voulant positive, je rebondis : « Le retour des Franciliens doit être pour vous une bonne nouvelle car avec votre berline, il va être difficile de vous positionner pour les Paralympiques. » « Détrompez-vous ! » me rétorque-t-il. « Les personnes en situation de handicap ne sont pas toutes en fauteuil. Lors de la cérémonie d’ouverture des jeux Paralympiques, c’est un nageur handisport qui a ouvert le spectacle en conduisant un taxi recouvert de Phryges ! Regardez les athlètes des différentes compétitions. Il y a des mal-voyants, certains ont un handicap mental ou moteur cérébral, d’autres ont été amputés d’un bras ou d’une jambe… Tous peuvent monter dans mon taxi ! Pour les chiens guides, ils sont bien dressés, j’installe juste une couverture plastique pour protéger des poils. Pas comme les chihuahuas de certaines clientes aux allures de comtesse dont les petits monstres lacèrent mes banquettes. Il ne faut pas croire, mais les clients les plus difficiles sont ceux handicapés par leur orgueil et leurs préjugés ! » Qu’on se le dise !
Hélène Manceron
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