Installée dans mon taxi, je trompe l’ennui des embouteillages en regardant la rue. Les giboulées de ce mois de mai ont incité chacun à préférer la voiture. Alors que nous redémarrons, mon chauffeur pile pour éviter l’accident. Devant nous, deux véhicules sont immobilisés à angle droit, l’un ayant voulu couper la route à l’autre. Les deux conducteurs s’invectivent copieusement de façon théâtrale en frappant leur torse comme deux gorilles énervés. Mon chauffeur baisse sa vitre et les invitent à se ranger sur le côté afin de permettre à la circulation de repartir. À l’unisson, les conducteurs lancent un « Ta gueule, le taxi ! » tout en finissant par dégager la voie. « Ah, les mecs, faut toujours qu’ils se la racontent… » soupire mon chauffeur en redémarrant.
Lançant une nouvelle campagne de sécurité routière, l’association Victimes et citoyens a décidé de tordre le cou aux préjugés misogynes avec un slogan« Conduisez comme une femme ». Chiffres à l’appui, elle démontre que « pour rester en vie au volant, ce que les hommes ont de mieux à faire, c’est adopter la même conduite que les femmes ».
« Femme au volant, mort au tournant » est un préjugé fortement ancré dans la société alors qu’en France, les femmes ont pu passer leur permis avant même d’avoir le droit de vote ! En 2018, une enquête montrait encore que les clichés sur les femmes au volant semblaient indélébiles. 79 % des conductrices interrogées avaient déjà été stigmatisées pour leur conduite alors qu’elles étaient 84 % à déclarer qu’elles n’avaient pas eu d’accident durant les deux années précédentes. Chaque femme chauffeure de taxi, d’agglomération comme de ruralité, peut témoigner de la surprise d’un client comme d’une cliente en la voyant au volant.
Aujourd’hui, les statistiques de l’Observatoire national interministériel de la sécurité routière pour
2022 -2023 sont sans appel. Pour un kilométrage annuel équivalent, 84 % des permis invalidés appartiennent à des hommes et 84 % des accidents mortels sont causés par des hommes, soit 4 accidents sur 5 ! « Cette surreprésentation masculine se retrouve quel que soit le mode de déplacement », complète la campagne car « 94 % des personnes tuées à moto, 87 % des morts à vélo et 61 % des piétons décédés étaient des hommes ».
Pères, frères, fils, oncles, cousins, maris, le message est clair : La route n’est pas un terrain de jeu !

Hélène Manceron

Photo de couverture ©DoYouSpeakTaxi

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