« Désolée, Madame, j’peux pas y aller, trop d’embouteillages… » déclare tranquillement le chauffeur qui m’avait pourtant laisser monter. Furieuse et blessée d’avoir été éconduite, je ramasse sac, parapluie et smartphone et quitte la voiture, sans oublier de mémoriser le numéro de licence vissé sur le flanc du véhicule. Témoin de la scène, un chauffeur en station attend que l’orage se calme avant d’intervenir. « Bonjour Madame, vous cherchez un taxi ? » Échaudée par son prédécesseur, je le mets du regard au défi de me convenir. « Paris 19e pour Saint-Denis, cela vous paraît-il surmontable ? » « Avec plaisir, Madame », me répond-il. Au fil de la course rythmée par la succession des feux rouges, la tension dans l’habitacle redescend palier par palier. « Il ne faut pas en vouloir à mon collègue. S’il vous a refusé, c’est peut-être parce qu’il revenait de l’aéroport. À certaines heures, pour tout client conduit à l’aéroport, le chauffeur en est de sa poche », me relance le chauffeur. Je lui rétorque du tac au tac : « Et les forfaits alors ? » « C’est vrai, mais ils ont été calculés pour être utilisés dans une circulation fluide. Un taxi, son métier est de conduire les gens, de rester patient dans les embouteillages mais il doit vivre de ses courses ! »
En seconde ligne des barrages autoroutiers installés par les agriculteurs, ce 29 janvier dernier, les taxis de nombreux départements ont organisé des opérations escargots. Taxis des villes comme taxis des champs, ils refusent d’accepter les conditions tarifaires imposées par l’Assurance maladie pour les prestations de transport de malades. Et si les agriculteurs dénoncent les pratiques commerciales des industriels et de la grande distribution, les taxis, quant à eux, ne veulent pas être la variable d’ajustement du budget de la sécurité sociale. Aujourd’hui les enseignants se mobilisent, hier les forces de l’ordre réquisitionnées pour la sécurité des jeux Olympiques, avant-hier les cheminots, demain ? Les traitements des fonctionnaires ont fondu comme neige au soleil, les travailleurs indépendants compensent en multipliant les heures de travail pour un même chiffre d’affaires. Malgré l’annonce d’une stagnation de la hausse de l’inflation, le pouvoir d’achat de chacun poursuit son évaporation. La planète s’échauffe et les esprits aussi !
Hélène Manceron
Photo de couverture ©DoYouSpeakTaxi








