La nuit est tombée et la ville scintille de mille feux ; les trottoirs devant les magasins sont en effervescence ; les passants portent des paquets qui brillent comme autant de promesses pour les festivités. Installée dans mon taxi, je l’apostrophe : « Vous serez de service à Noël ? » « Non, mais en quinze ans de service, c’est bien la première fois que je ne travaillerai pas : je suis natalophobe ! », me rétorque mon chauffeur, une pointe d’ironie dans le regard. À part le Grinch, ce personnage fictif qui déteste Noël, j’ignorai que cette pathologie existait chez les humains. Pourtant, les psychologues sont formels, la natalophobie frappent aussi bien « les personnes qui sont seules et qui souffrent de solitude. Les personnes qui n’arrivent pas à avoir d’enfant, ou qui n’en n’ont pas, car cette période tourne beaucoup autour de la thématique infantile. Les personnes qui ont des problèmes financiers. Les personnes au chômage, ou qui ne trouvent pas de travail. Les personnes en deuil, qui ont perdu un être cher il y a plus ou moins longtemps. Les personnes qui ont des secrets de famille, qui appréhendent les réunions familiales pour ces non-dits », selon Fanny Jacq, psychiatre et directrice santé mentale de Qare, le leader de la téléconsultation médicale.
Avec une inflation en hausse de 3,5% ; un taux de chômage de 7,4 % de la population active, un taux de célibat des adultes de 18 ans et plus de 35,7 % selon l’Insee, 1 Français sur 10 victime d’inceste, 11 millions de personnes en état de solitude, les natalophobes sont plus nombreux à la table du réveillon que l’on pourrait croire.
Curieuse, je relance mon chauffeur : « Si vous ne travaillez pas cette année, que ferez-vous ? » « J’irai chercher ma nièce à une centaine de bornes », me répond-il. « Elle travaille dans une plateforme de tri de colis et elle est au bord du burn-out. Cela lui fera plaisir et rassurera ma sœur. »
Il est où l’esprit de Noël ? Il est là !

Hélène Manceron

Photo de couverture ©Doyouspeaktaxi

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