Publié début juillet sur le site du ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, le rapport de l’Observatoire national des transports public particuliers de personnes (T3P) n’a pas défrayé la chronique. Dressant un état des lieux du secteur en 2021, « il s’appuie sur l’exploitation de plusieurs sources inédites » et prétend qu’elles « permettent d’avoir une vision globale et synthétique du secteur ». Notre rédaction a profité du calme de l’actualité de l’été pour en faire l’un de ses devoirs de vacances.
Des sources approximatives
« Les sources de données administratives sont de nature différente concernant les taxis et les VTC. En raison d’une gestion administrative centralisée au niveau national, la situation des exploitants de VTC peut être mieux décrite que celle des taxis dont la gestion de l’activité, effectuée au niveau local, n’est connue au niveau national qu’à travers des recensements ponctuels », justifient les auteurs du rapport. La remontée d’informations depuis les préfectures semblerait donc en panne, malgré le changement de tutelle en 2014 vers le ministère des Transports, et aucun recensement consolidé n’a toujours été réalisé après la disparition du fameux « état récapitulatif des taxis et des petites remises ». De nombreux trous dans la raquette, notamment dans la perspective d’un registre numérique des disponibilités taxis.
Ce rapport a été alimenté « par des données transmises par les centrales de réservation (taxi ou VTC) », précisent les auteurs. « Ceci conduit à une meilleure connaissance des courses opérées en réservation par le biais de tels acteurs plutôt que du marché de la maraude, monopole des taxis, ou des courses opérées par des exploitants VTC travaillant sans les plateformes. » C’est passer sous silence le cœur de métier des taxis, qui mixent leur journée entre courses de rues et réservations, et réduire leur activité à celle du prisme de l’offre de déplacement des VTC. Sans parler des nombreuses licences détenues par des entreprises d’ambulances qui utilisent leurs autorisations de stationnement en complément de leurs véhicules sanitaires légers (VSL). La promesse d’un prochain distinguo entre code APE taxi et code APE VTC tiendra-t-il compte de ces entreprises mixtes ambulances/taxis qui privilégient leurs disponibilités pour le transport sanitaire, délaissant le service en gare ainsi qu’en station… ?
Déni de maraude
Si l’activité des taxis n’est évaluée dans le rapport qu’au regard des données fournies par les plateformes de mise en relation avec les clients, les auteurs précisent que les VTC « opèrent uniquement en réservation préalable ; la maraude, y compris électronique, leur est interdite ». Une bonne lecture de la réglementation du secteur malheureusement pas partagée par ses acteurs comme en témoigne la maraude de nombreux chauffeurs de VTC sur la voie publique ainsi que leur allergie symptomatique à respecter l’obligation de « retour au garage » après avoir terminé leur course. En pleine saison estivale, nombreux sont les chauffeurs de taxi et même d’ex-Grande remise qui dénoncent l’absence totale de scrupules de VTC venus racoler les clients sur les spots touristiques. Enfin, concernant les véhicules, il est surprenant de lire que les « caractéristiques pour les véhicules utilisés par les taxis, notamment en termes de taille et d’ancienneté, peuvent être fixées par les autorités locales compétentes » tandis qu’il est précisé que « les véhicules utilisés pour réaliser du transport par voiture de transport avec chauffeur doivent avoir au moins quatre portes, des dimensions et une puissance minimale et être en circulation depuis moins de six ans, exception faite des véhicules électriques, hybrides, ou de collection ». Si les autorités locales peuvent effectivement préciser des caractéristiques pour les véhicules taxis, rares sont celles qui se sont saisies de cette possibilité, préférant se caler sur la réglementation nationale de la profession.
Nombre de cartes vs nombre de chauffeurs
« En 2021, 27 020 candidats se sont inscrits aux examens pour devenir chauffeurs de taxi ou de VTC. Le nombre de candidatures à ces deux examens confondus progresse depuis 2018 (+ 8 % en 2 ans). La région francilienne concentre respectivement 69 % et 43 % des inscriptions aux examens VTC et taxi. Les taux de réussite nationaux au premier passage des épreuves théoriques et pratiques des candidats inscrits en 2021 sont respectivement de 66 % et 67 % pour les VTC, alors qu’ils atteignent respectivement 81 % et 79 % pour les taxis. En 2021, plus de 21 000 cartes professionnelles ont été délivrées aux conducteurs, hors renouvellement : 57 % d’entre elles ont été obtenues par des conducteurs de VTC », synthétise le rapport. La belle affaire ! Cette restitution des chiffres transmis par l’APCMA, désormais délégataire de l’examen aux professions de taxi et de VTC, ne reflète pas la réalité qui se joue dans les centres de formation. En effet, de nombreux chauffeurs de VTC sont issus d’Île-de-France mais la réglementation de leur activité ne les contraint pas à servir un territoire et ils peuvent travailler où ils veulent, alors que les taxis doivent passer un examen de « Mobilité » s’ils souhaitent exercer dans un autre territoire que celui que leur autorise l’examen auquel ils ont satisfait. Par ailleurs, on ne compte plus les chauffeurs de VTC qui travaillent à leur activité de transport en marge d’un autre emploi ou qui, ayant pris goût au transport de personnes, usent du tronc commun des deux formations pour se réorienter vers le taxi après avoir testé le job ! Le profil des stagiaires des écoles de taxi en témoignent depuis plusieurs années. Enfin, on oublie les chauffeurs de VTC qui ne tardent pas à déchanter. En atteste le nombre d’annonces de vente de véhicules ou de location de compte d’accès aux plateformes VTC disponibles sur eBay, Leboncoin, etc.
Des conclusions à revoir
Si l’infographie synthétisant les conclusions du rapport souligne les résultats relatifs à la motorisation des véhicules T3P, il ne semble pas tenir compte des impératifs techniques du service au public délivré par les taxis de province. Équipés de véhicules de dernière génération, les taxis répondent aux exigences de Crit’Air 1 pour 51 % des taxis parisiens et de Crit’Air 2 pour 89 % des taxis de province. De fait, ces chiffres ne révèlent pas le manque d’implication des chefs d’entreprise taxi dans la transition écologique mais soulignent au contraire l’absence actuelle d’alternatives réelles au diesel dans les territoires hors Île-de-France et grosses agglomérations ainsi que l’autonomie encore maigre des véhicules électriques pour répondre au kilométrage journalier nécessaire à leur activité. Alors que les versions 2016-2017 et 2017-2018 du rapport sont disponibles sur le site du ministère, nous espérons que les travaux d’analyse de la prochaine édition du rapport de l’Observatoire corrigeront les biais utilisés et donneront une information plus juste sur la réalité du secteur.
HM Rapport de l’observatoire national des T3P 2021 – Accéder aux résultats









