Adopté le 11 juillet dernier, le rapport de la commission d’enquête sur les révélations des Uber files « l’ubérisation, son lobbying, ses conséquences » a été publié ce 18 juillet. Porté par sa rapporteure, Danielle Simonnet, cette commission d’enquête avait été initiée suite aux éléments confiés, il y a un an, au consortium international des journalistes d’investigation par un ex-collaborateur de la firme. Créant l’émoi du début d’été 2022, les taxis voyaient enfin dénoncé sur la place publique la trahison qu’ils subissent depuis que la plateforme a jeté son dévolu sur l’Hexagone.

Une enquête inédite
Désignant l’enquête journalistique publiée en juillet 2022 par le consortium international des journalistes d’investigation (dont Le Monde et Radio France) à partir de 124 000 documents transmis par Mark MacGann, ancien lobbyiste d’Uber, couvrant la période allant de 2014 à 2016, les Uber files révélaient un lobbying très agressif d’Uber et faisait état d’un soutien du ministre de l’Économie de l’époque, Emmanuel Macron, avec lequel plus de 17 échanges significatifs étaient répertoriés. Usant du droit de tirage du groupe parlementaire de la France insoumise – NUPES, la députée de la 15e circonscription de Paris, Danielle Simonnet, avait par la suite initié une commission parlementaire. Après 6 mois de travaux, 65 auditions représentant plus de 85 h de réunions, la participation de 120 personnes à ces auditions, la rédaction de 28 questionnaires et l’examen de 525 documents transmis par Mark MacGann, 37 notes d’Uber et 43 notes et mails internes de ministères, la commission établit un rapport de plus de 500 pages sur le scandale.

Révélations
Le président de la commission, Benjamin Haddad, député Renaissance, tient à remercier Danielle Simonnet pour son travail, tout en ne manquant pas de souligner ses « divergences d’opinion » avec la rapporteure. Dans son dossier de presse, elle soutient en effet que : « Le rapport de l’enquête parlementaire confirme qu’Uber “a imposé, au mépris de la légalité, un état de fait à l’État de droit”, grâce à un lobbying agressif auprès des décideurs publics. Uber a trouvé des alliés au plus haut niveau de l’État, à commencer par l’ancien ministre de l’économie Emmanuel Macron, “un ministre de l’Économie prêt à défendre les intérêts des plateformes de VTC, avec lequel Uber a entretenu des liens extrêmement privilégiés” dans une opacité totale et à l’insu de son gouvernement. » « La commission d’enquête confirme qu’un “deal” a bien eu lieu entre Uber et E. Macron, alors ministre de l’Économie. En échange de la fermeture de l’application Uberpop (pourtant illégale), Uber a obtenu un abaissement des exigences de formation pour accéder au métier de VTC, de 250 à 7 heures de formation, lui permettant d’inonder le marché de ses chauffeurs. […] Le rapport liste ainsi une série de graves manquements de l’État à faire appliquer les lois, au profit des plateformes et notamment d’Uber : non-application des lois Thévenoud et Grandguillaume, défaillance des contrôles et des sanctions en matière de fiscalité, de droit du travail, de paiement des cotisations sociales, de droit de la concurrence, de protection des données personnelles… Pour justifier son soutien aux plateformes, E. Macron argue le retour au “plein emploi”. Alors qu’aucune étude d’impact n’a été réalisée sur la création d’emploi par les plateformes, les études indépendantes d’économistes et de sociologues montrent plutôt que les travailleurs ubérisés, discriminés parce que racisés, occupaient déjà un emploi. En soutenant l’extension de l’ubérisation, ce discours sur le “plein emploi” porte en réalité en germe le retour au tâcheronnage du 19e siècle. »

Propositions et réactions
Le rapport de la commission d’enquête formule 47 propositions afin de mieux encadrer le lobbying, de renforcer la publicité des processus d’élaboration des normes, de garantir l’application de la loi aux plateformes et de construire des alternatives à l’ubérisation en remettant le Parlement au cœur des décisions prises par la France au niveau européen. Parmi les propositions prioritaires : instauration d’une présomption de salariat pour les travailleurs des plateformes ; demande de création d’une autorité indépendante en charge de la délivrance d’un agrément pour lesdites plateformes ; renforcement du contrôle et des sanctions de l’activité des plateformes ; contraindre les multinationales à publier les informations clés sur leur contributions fiscales et leurs activités ; réorienter les moyens de Bpifrance vers les coopératives respectant le droit plutôt que vers les plateformes, etc. Pour les taxis, le mal semble déjà fait, mais la FNDT a néanmoins diffusé un communiqué de presse exigeant du gouvernement la publication de décrets nécessaires à la stricte application des textes de loi régissant le transport de personnes : la définition de la réservation préalable en termes de temps ; le retour à la base des VTC après chaque commande finalisée ainsi que l’abrogation de certains articles de la loi 2019-1428 dite loi LOM créant un statut spécifique pour les travailleurs de plateforme. « Nous réclamons aussi la tenue d’une table ronde avec Madame la Première ministre afin d’aborder ces sujets le plus rapidement possible », a déclaré la Fédération, en ajoutant : « Nous constatons aussi dans ce rapport pourtant accablant, que certains membres de la commission d’enquête ont fait preuve de complaisance envers le chef de l’État (groupe Renaissance et leurs alliés ainsi qu’un élu LR) en ne validant pas ce rapport. Les taxis sauront l’expliquer aux nombreux clients qu’ils transportent chaque jour afin que les votes exprimés dans les urnes lors des prochaines élections sanctionnent durement les partis politiques qui couvrent de tels agissements et remettent en cause l’esprit républicain de liberté, d’égalité et de fraternité auquel les Français sont attachés. »
HM
Regarder la conférence de presse de Danielle Simonnet sur le rapport de la Commission d’enquête parlementaire sur les Uberfiles







