100% Edito : Taxi de grande classe

En retard, je me précipite sur le taxi en train de déposer, retiens la porte au client et m’engouffre sur la banquette arrière avec un abrupt « Bonjour, place de la Nation ». Au lieu de démarrer sur les chapeaux de roue, le chauffeur marque un temps et me répond d’une voix calme « Bienvenue, Madame. Avez-vous un itinéraire préféré ? » Pas vraiment d’humeur, je l’éconduis : « Passez par où vous voulez mais évitez les embouteillages ! » « Ne vous inquiétez pas Madame, nous n’en sommes pas très loin », me répond-il avec un large sourire qui s’affiche dans son rétroviseur intérieur. Nous démarrons. L’habitacle est spacieux, propre avec un léger parfum mentholé et je remarque les bras de chemise impeccables et les mains soignées de mon chauffeur. Radoucie, je tente un « C’est la grande classe votre taxi. » « Merci Madame, mais comme ils disent, je ne suis que de la classe moyenne. »
En entendant la promesse du gouvernement de baisser fortement les impôts de millions de contribuables constituant la classe moyenne, chacun scrute désormais sa position sur l’échelle sociale dans l’espoir d’échapper à la pression fiscale. Deux Français sur trois appartiendraient à cette classe moyenne mais l’absence de consensus sur ce qu’elle désigne rend l’exercice difficile. Au XIXe siècle, la notion définit la population en fonction de ce qu’elle n’est pas : ni de la noblesse, ni du clergé, ni du tiers état, vous êtes de la classe moyenne ! Certains sociologues distinguent même une classe moyenne inférieure, une intermédiaire et une supérieure… Le professeur Éric Maurin y apporte un éclairage politique : « C’est un groupe où vous avez le plus de gens qui viennent d’ailleurs, d’autres endroits de la société et le plus de gens qui iront ailleurs, qui vont bouger. C’est un endroit de transit en fait. Et c’est aussi pour ça que depuis longtemps, ça intéresse les hommes politiques parce que les gens qui sont en transit, ou les familles qui sont en transit dans l’espace social, ce sont des gens qui sont un peu attachés à la fois au haut et au bas. »
Arrivée à destination, je suis prise d’éternuements. Avant même de s’occuper de ma carte bleue, mon chauffeur me tend gentiment une boîte de mouchoirs. La classe… Moyenne peut-être, mais la classe !

Hélène Manceron

Feuilleter 100% NEWS TAXIS n°251

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